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Titre du blog : Histoires yaoi
Auteur : histoiresyaoi
Date de création : 31-05-2013
 
posté le 12-06-2013 à 10:45:08

Pieveth, Chapitre 3

 

 

 

Dès le lendemain, Calith est installé devant les dossiers des prisonniers, qu'Elihus a demandé aux archivistes. Les dossiers les plus complets sont ceux des hommes emprisonnés sur le règne du père de Calith, mais la plupart concernent des morts. Lombeth n'a pas fait preuve d'autant de clémence que l'ancien roi. Quant aux prisonniers plus récents, il n'y a que le registre des gardes qui offre une liste, non exhaustive, des hommes présents. Calith et Elihus passent donc la journée avec Bunamel, le responsable des gardes et un archiviste, Jeus, armé du registre des condamnations, à faire le point sur la situation.

 

Et le constat glace d'effroi le jeune roi. Le nombre d'exécutions publiques a plus que triplé depuis l'arrivée au pouvoir du Tyran. Toute personne surprise en train de voler ou de rôder dans des lieux inappropriés était pendue. Les meurtriers étaient brûlés vifs. Et la faim a fourni bon nombre d'hommes à la potence. Hommes qui, acculés, qui n'avaient plus que le vol comme seul recours pour ne pas laisser leur famille mourir de faim.

La plupart des prisonniers sont donc des miraculés, sauvés de la pendaison par la prise de pouvoir du nouveau roi. Les quatre hommes convoquent un à un les voleurs et les rôdeurs, leur annonçant leur libération sous certaines conditions : aucune récidive et une aide dans les champs au printemps.

Les meurtriers, eux, restent en geôles. Quant aux opposants au Tyran, aucun n'est passé par les geôles : ils étaient torturés en public et exécutés dans la journée.

Les esclaves emprisonnés sont, quant à eux, priés de retourner à leurs anciennes occupations: leurs corps portent encore les marques du fouet et Calith n'a pas le cœur à les laisser croupir en cellule : ils seront bien plus utiles à travailler. D'autant qu'aucun registre ne permet de savoir pour quelle raison ils ont été emprisonnés. L'asservi découvert dans la salle du bourreau est affecté au service du château. Aucun autre prisonnier n'a été retrouvé dans les geôles.

 

Satisfait par ces résolutions, Calith nomme Elihus, Bunamel et Jeus responsables de justice : ils délibèreront ensemble de chaque délit et décideront de la peine encourue.

Mais la journée est loin d'être terminée et, après une rapide collation, Elihus et Calith s'enferment à nouveau dans la bibliothèque pour examiner bon nombre de dossiers, à commencer par la situation des êtres surnaturels du Royaume. Promulguer une loi les protégeant leur semble être une évidence, mais ils savent parfaitement que ça ne suffira pas à faire changer les mentalités. Ce n'est pas à grand coup de loi qu'on peut inculquer le respect de l'autre et la tolérance. Et favoriser ces mêmes surnaturels ne ferait qu'attiser les tensions.

 

Ils s'arrachent les cheveux sur cette question épineuse pendant de longues heures, dans le silence religieux de la bibliothèque. C'est Alima qui vient les interrompre à la tombée de la nuit, passant une tête empourprée par la porte. Elle s'avance tout timidement, sous le regard interrogateur des deux hommes, et finit par leur demander s'ils souhaitent dîner ici ou dans la salle du trône. Souriant de sa gêne, Calith lui annonce d'une voix douce qu'il prendra son dîner dans ses appartements, seul. Elihus trésaille mais ne fais pas le moindre commentaire. Plus inquiétant encore, un léger sourire fleurit sur ses lèvres, qu'il se hâte d'effacer.

Calith n'est pas dupe, mais la migraine pointe, suite à toutes ces paperasses, et il n'a plus envie de discuter de rien du tout. Il veut juste aller se reposer, seul, et oublier toutes ses responsabilités l'espace d'une paire d'heures.

 

Elihus, comme s'il avait surpris ses pensées, commence à ranger le dossier et reporte la décision au lendemain. Soulagé, le jeune roi quitte rapidement ce sanctuaire et file directement dans ses appartements. En passant dans les couloirs, c'est en entendant le bruit des lames qui s'entrechoquent et les cris des soldats qu'il obtient la confirmation de ces doutes : si Loundor n'est pas venu le sauver, c'est parce qu'il supervise l'entraînement de ses soldats. Calith devra lui demander de venir, quitte à laisser ses protégés quelques minutes, pour le tirer des griffes redoutables d'Elihus.

 

 

 

 

Ses appartements sont impeccables, quand il en pousse la porte et l'esclave à son service bondit en direction de la salle d'eau dès qu'il l'aperçoit. Calith secoue doucement la tête, dépité : heureusement qu'il n'avait rien à lui demander. Il se dirige à pas lents jusqu'à la fenêtre qui donne sur la cour d'entraînement. Malgré l'obscurité, les torches sont si nombreuses qu'il distingue parfaitement les combattants. Dont Loundor, au beau milieu d'une mêlée, qui semble s'en donner à cœur joie.

Un léger froissement se fait entendre derrière lui. L'esclave est de retour, qui s'incline respectueusement avant de lui annoncer servilement :

 

- Votre bain est prêt, Votre Majesté.

- Bien.

 

Tandis qu'il se détend enfin dans l'eau chaude parfumée, l'asservi lui apporte son repas, qu'il prend avec plaisir dans sa baignoire. Une soirée idéale : du confort, de la solitude, et personne pour lui brandir ses responsabilités sous le nez. Le paradis sur terre.

Sauf que lorsqu'il sort de la salle d'eau, emmitouflé dans un épais drap de bain, il n'est plus seul. Une silhouette gracile se tient devant la cheminée et se retourne lentement en l'entendant arriver. Elle est jolie, très jolie même, cette petite brune aux courbes appétissantes. Son minois semble être sculpté dans la porcelaine, où brillent deux opales. Elle sourit, s'incline bien bas et déclare, d'une voix incroyablement douce et sensuelle :

 

- J'ai été envoyée ici pour vous servir, Votre Majesté.

 

Sa robe, toute en dentelles et soies pourpre, ne cache pas grand chose de sa poitrine généreuse. Calith sourit tout en la détaillant. C'est sans doute une idée d'Elihus, pris de remords. Le jeune roi se contente de désigner le lit d'un geste de la tête, et la jeune femme s'y rend avec grâce. Comment son conseiller a-t-il deviné qu'à la puissance d'un rapport entre hommes, Calith préfèrerait ce soir-là la douceur d'une femme ? Les esprits sont bien plus ouverts dans le Royaume de Pieveth qu'ailleurs : l'amour se décline entre hommes et femme, ou entre personnes du même sexe sans que quiconque trouve à y redire. Du moins, tant que les deux parties sont consentantes.

 

Et si Calith aime les rapports avec d'autres hommes, ce soir, il a juste envie qu'une femme lui donne du plaisir avec sensualité et douceur, à défaut d'être seul. Il a envie de sentir la courbe de ses seins dans ses mains, la chaleur de son intimité et ses gémissements.

Elle l'attire doucement jusqu'au lit, enlève d'un geste habile le drap de bain, et l'allonge sur le matelas. L'esclave a disparu et Calith se laisse guider par le savoir-faire de la belle. Ses caresses et ses baisers lui font franchir les paliers du plaisir jusqu'à lui faire atteindre l'extase.

 

 

 

 

- As-tu apprécié Gracilia ?

 

La mine comblée de Calith est une réponse en soi. Les deux hommes échangent un sourire de connivence.

 

- Oui, elle était parfaite. Merci de me l'avoir envoyée.

- Elle est à ton service, nuit et jour. Appelle-la quand tu veux.

- Je m'en souviendrais.

- Parfait. Ça conviendra en attendant qu'on te marie. Aujourd'hui, Loundor te réclame. Tu passes la journée avec lui, je m'occupe des dossiers les plus urgents. File le voir, il t'attend de pied ferme.

 

Calith sort précipitamment de la bibliothèque, sans même prendre le temps de parlementer au sujet de son mariage, de crainte qu'Elihus ne change d'avis. Les soldats ont besoin de le voir, et lui, il apprécie de sortir enfin des murs du château et de profiter un peu de l'air frais de ce début d'hiver.

C'est sans surprise qu'il retrouve le général dans la cour d'entraînement, comme s'il y avait passé la nuit. Ses hommes se n'arrêtent pas, même si de fréquents regards sont jetés en direction du roi. Loundor le présente aux colonels, puis ils parlent longuement de l'armée, de l'armement disponible ainsi que des entraînements et missions prévues.

 

L'après-midi est consacré au maniement de l'épée, et c'est le général en personne qui s'occupe de Calith, sous le regard intéressé des soldats. Si Calith déteste se montrer ainsi en spectacle, il sait également que c'est un excellent moyen pour s'assurer du respect des soldats et leur prouver qu'il leur ressemble, d'une certaine manière. Qu'il est à même de les comprendre, car il connait une partie de leur quotidien.

Mais ils n'ont pas le temps de s'entraîner beaucoup : c'est Nala qui vient les rejoindre. De fait, toute l'attention des soldats dérive directement vers elle. Elle est pourtant très sobrement habillée d'une tenue de cavalière, pantalon bouffant et veste épaisse. Mais les hommes ne s'y trompent pas et savent reconnaître une beauté quand elle se perd sur leur cour. Aussitôt, Loudnor et Calith l'entraînent dans la salle des officiers.

 

Donnant sur la cour d'entraînement, cette salle où brûle une cheminée est très sobrement meublée : quelques armoires pour que les officiers puissent se changer, et une longue table pour qu'ils puissent discuter autour d'un bon repas. C'est ici que les trois amis s'installent, Loundor apportant un pichet de bière fraîche et des chopes. Nala est sur le départ, c'était convenu avant même que le tyran ne tombe. Elle a la délicate mission de prendre contact avec les différents royaumes qui jouxtent celui de Pieveth et de leur annoncer le couronnement de Calith. A elle revient également la charge de les convaincre qu'il est différent de Lombeth, qu'il ne souhaite aucunement la guerre, et même qu'il souhaite reprendre les échanges commerciaux. A elle, enfin, de leur faire comprendre que le nouveau roi ne peut pas se permettre de se déplacer en personne, mais qu'il le fera dès que la situation sera suffisamment stabilisée.

 

Ils boivent en discutant joyeusement, comme si c'était une rencontre comme les autres, comme si elle ne faisait qu'un voyage d'agrément. Ils font comme si, à son retour, la situation serait la même. Comme si Calith serait toujours disponible pour eux tous et comme si Loundor ne serait pas noyé sur les responsabilités.


Et dès le surlendemain, c'est une bien surprenante responsabilité qui s'abat sur Calith. Le roi est, comme d'habitude, installé dans la bibliothèque, en compagnie d'Elihus, occupé à chiffrer les ressources réelles dont dispose le royaume. Un travail de longue haleine, auquel le conseiller prend visiblement du plaisir, mais qui donne une migraine terrible à Calith. C'est une nouvelle fois Loundor et sa carrure imposante qui viennent le sauver. Sauf qu'il ne se réjouit pas, cette fois.

Elihus, digne dans son costume aux couleurs verdoyantes, s'apprête à s'en aller lorsque le général le retient d'un mouvement du bras.

 

- Reste. Asseyez-vous. C'est une affaire délicate qui m'amène.

 

Obéissants comme deux enfants, Calith et Elihus s'exécutent sans un mot. Le regard noir du loup-garou ne brille d'aucun amusement, comme c'est le cas lorsqu'il pénètre dans ce sanctuaire. Il a le regard soucieux de celui qui apporte une mauvaise nouvelle et le cœur de Calith s'emballe à l'idée qu'il soit arrivé quelque chose à Nala. Ou qu'il y ait une révolte parmi les soldats. Ou parmi la population. Peut-être même que la population encercle le château, prête à se séparer de leur nouveau roi qui tarde à rétablir la situation. Mais il lui faut du temps, bon sang, juste encore un peu de temps ! Il entend même les cris et le brouhaha de la foule en colère. Ils vont le lyncher.

 

- On a découvert un corps dans le château.

 

Le soulagement qu'il ressent n'est que de courte durée. Aussitôt après, c'est un cortège de questions sans réponses qui l'assaille de toutes parts. Quel corps ? Où ? Quand ? Pourquoi ? Loundor poursuit, parfaitement conscient de leurs interrogations :

 

- Il s'agit du baron de Beoan. On l'a retrouvé, mort, dans ses appartements. Assassiné.