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Titre du blog : Histoires yaoi
Auteur : histoiresyaoi
Date de création : 31-05-2013
 
posté le 15-06-2013 à 11:02:04

Pieveth, Chapitre 6

 

 

 

Il mange en silence, bercé par le clapotis de l'eau du bain dans lequel il trempe. Les deux asservis s'affairent autour de lui dans le silence le plus complet, sans se gêner un seul instant. Et il regrette, soudain, d'avoir demandé que son dîner soit servi par le simplet. Pourquoi ce caprice ? Il n'espère pas grand chose, à vrai dire. Et l'avoir avec lui pour le dîner n'empêchera pas Voinon de le frapper durant la journée, s'il le juge nécessaire. Et puis, soudain, le souvenir de la douce caresse buccale s'impose dans son esprit. Sous l'eau, caché par la couleur qu'a pris l'eau savonneuse, il sent son membre se raidir. C'est la seule et unique raison. Il a demandé la présence du simplet pour l'avoir à sa disposition et profiter de son savoir-faire à l'envi. Loundor a raison : cet esclave n'est pas un animal. Tout roi qu'il soit, réclamer sa présence comme ça...

 

Le délicieux rôti de gibier, préparé par la talentueuse cuisinière, a soudain un goût de cendre. Il a honte de son comportement. Honte de se conduire comme un enfant gâté. Certes, il l'a été mais désormais, il a la responsabilité de remettre le royaume sur pied. Ce genre de caprice n'a plus lieu d'être. C'est en goûtant la tarte aux pommes, autre merveille culinaire, qu'il se ressaisit : après tout, l'esclave est là, et il semble avoir apprécié, plus tôt dans la journée. Alors pourquoi se priver ? Il réalise à peine qu'il termine son repas, perdu en plein dilemme. Puis son attention est détournée par le simplet, qui débarrasse les assiettes vides. Il est maladroit et les ustensiles s'entrechoquent régulièrement. Habituellement, les esclaves savent être si silencieux qu'ils en deviennent invisibles. Mais le simplet n'a pas l'habitude, précisément, de faire le service. Sa nervosité est visible, comme s'il redoutait le moindre faux mouvement qui mécontenterait son roi.

 

Une fois le plateau débarrassé, Calith sort de l'eau et se laisse sécher par Lanen. Puis il enfile l'ample vêtement, presque semblable à une toge, qu'il met pour dormir. Laissant l'esclave à ses occupations, il fait signe au simplet de le suivre. Oubliés, les interrogations et les doutes. Il a envie. Alors il ouvre les draps, s'allonge sur le lit, écarte les pans de la toge pour dégager l'objet de son attention, et ordonne d'une voix un peu trop douce à son goût :

 

- Viens.

 

Quoiqu'en dise Voinon, le simplet n'est pas si stupide : il a parfaitement compris les désirs de son souverain. Après une infime hésitation, se faisant léger comme une plume, il se glisse entre ses jambes et l'honore de sa bouche. Calé sur les oreillers, Calith observe les omoplates saillantes, comme deux pics montagneux encerclant le dragon à l'envol. Les côtes de l'esclave sont quasiment dénombrables, tant il est maigre. Sans aucun doute, les séquelles de son enfermement dans la cage du bourreau. Mais ça ne fait que peu de temps qu'il a été découvert : il reprendra bientôt du poids. Rapidement, les attentions qu'il lui prodigue font oublier à Calith ses préoccupations. Il n'y pas de doute : c'est loin d'être la première fois que l'asservi donne ainsi du plaisir. Alors Calith ferme les yeux et se laisse aller aux douces sensations. Sa respiration s'accélère. Il ne contient plus ses gémissements de plaisir. Et soudain, il plonge dans un bien-être indescriptible, où plus rien ne subsiste, si ce n'est la douce caresse sur son membre. Après un délicieux et interminable supplice, la jouissance emporte sa conscience dans un long cri.

Il ne prête pas réellement attention au simplet qui se redresse doucement et qui tire sur son roi les draps richement ornés. Tout à son plaisir, Calith se contente de lui serrer brièvement la main, remerciement à peine avoué d'un moment si intense. Et les ténèbres l'emportent.

 

 

 

 

La dure réalité de la situation se rappelle à lui, dès le lendemain matin, aux premières heures du jour. Elihus, accompagné d'un couple d'esclave, fait apporter leurs petits-déjeuners respectifs dans les appartements royaux, surprenant le monarque en plein habillement. C'est ensuite Loundor qui fait son entrée, portant son propre plateau surchargé de nourriture. Comme il l'a expliqué avec beaucoup de sérieux au jeune roi, les loups-garous ont un métabolisme bien différent des humains et doivent, de ce fait, se nourrir de manière bien plus conséquente. Cette collation imprévue, bien qu'amicale et détendue, tourne principalement autour des problèmes qu'ils ont à gérer. Dans la journée, une pléthore de représentants, informateurs et comptables vont défiler dans le bureau. Et il est certaines choses qui doivent rester entre six oreilles. Tous les esclaves renvoyés hors des appartements, ils peuvent commencer à manger. Le loup, après avoir dévoré la moitié de son repas, attaque en premier :

 

- Mes hommes ont interrogé toutes les personnes susceptibles d'avoir été en contact avec le baron Beoan. Les Dieux n'ont pas entendu nos prières : aucun miracle.

 

Elihus trésaille sur sa chaise, devant l'affront et l'impertinence du loup-garou. Ce dernier lui offre son plus beau sourire, toutes dents dehors, prouvant, s'il était réellement nécessaire, que cette phrase n'avait pour but que de titiller le conseiller. Mais le Général se reprend rapidement et poursuit :

 

- Les résultats sont plutôt décevants. Rien n'a disparu de l'appartement, ce qui exclus l'hypothèse du vol. Nous avons mis à jour un trafic de nourriture, dirigé par une domestique. Elle revendait les restes des repas du baron aux plus démunis et à prix d'or, encore ! J'ai pris la liberté de la faire mettre au cachot. Elihus a toute la paperasse qui va avec.

 

Calith regarde soudain d'un autre oeil son plateau, si richement garni. Et se promet de demander, aux cuisines et aux serviteurs, de cesser de lui apporter des plats spéciaux. Il mangera comme tout le monde, sans aucune distinction. Il n'a pas le droit d'avoir des mets fins quand certains, au pied du château, ont faim. Loundor n'a rien raté de son regard vers le plateau, mais chasse cette observation d'un haussement d'épaule. Et poursuit d'une voix amusée, jetant un regard au sage Elihus :

 

- Et bien sûr, sans surprise, nous avons découvert tout un tas de batifolage, à droite et à gauche, entre esclaves, entre serviteurs, entre nobles, parfois mélangés, parfois à plusieurs, parfois …

- Loundor, ça suffit ! On a compris !

 

La réaction offusquée d'Elihus fait exploser de rire ses deux compagnons.

 

- Et cessez de rire, à la fin ! Vous apprenez qu'une débauche honteuse a lieu derrière ces murs et ça vous fait rire ! Vous n'avez aucune morale !

 

Mais loin de les apaiser, sa tirade ne fait que renforcer leur hilarité. Vexé, Elihus se mure dans un silence boudeur. Et quand ils cessent enfin de rire, de longues minutes plus tard, ils tentent immédiatement de calmer le brave conseiller. Ce dernier leur rappelle vertement qu'ils en sont venus à ce sujet suite à la mort d'un baron, et qu'il n'est guère décent de s'amuser à ce sujet. Les visages graves, les deux concernés acquiescent en silence. Et le Général reprend :

 

- Toutes les personnes interrogées appréciaient beaucoup le baron, et on n'a trouvé personne pour dire du mal de lui. Il se montrait toujours courtois, généreux, attentionné. L'homme parfait, quoi. Et c'est louche, à mon avis. Il devait sans doute cacher quelque chose, ce n'est pas possible d'être autant apprécié de tous.

- Ne fais pas de ton cas une généralité, Loundor. Ce n'est pas parce que la moitié du château te déteste que ça doit être le cas de tout le monde.

 

La pique d'Elihus est tellement inattendue qu'elle manque de faire s'étouffer Calith, qui rit sous cape. Et Loundor sourit, amusé, au conseiller, avant de lui répondre :

 

- Et bien voilà ! Tu vois, quand tu veux. C'est bien, tu t'améliores !

- Tu es impossible !

- Bref. J'ai demandé à ce que mes hommes fouillent un peu plus : ça me paraît vraiment suspect.

- Suis ton instinct, Général. Rien d'autre à nous apprendre ?

- Si Majesté ! On a retrouvé le rasoir qui a servi à le tuer.

- Et tu ne pouvais pas le dire avant ! C'est bien plus important que savoir que tout le monde l'adore !

- Ou pas. C'est son propre rasoir qui a été utilisé pour le tuer. En l'examinant, j'ai trouvé de minuscules traces de sang, dans la pliure. Pour que le sang arrive ici, ce n'est pas dû à une coupure au rasage. Mais la lame a été parfaitement nettoyée, il n'y avait aucune trace.

- Des odeurs particulières ?

- L'odeur du sang, du baron et de son serviteur.

- Serviteur qui est parti dans sa famille. Réellement ?

- J'ai eu le même doute que toi, Calith. Ça aurait été facile de prétendre partir, se cacher dans un recoin du château, et assassiner le baron sans être jamais soupçonné. Sauf qu'il n'est pas parti seul, mais avec un commerçant. Ils allaient tous les deux dans le même village, à trois lieues d'ici. Et jusqu'au bout, ils ont fait le voyage ensemble.

- Ils sont amis ?

 

Loundor sourit largement et incline légèrement la tête en direction du roi.

 

- Je ne sais pas qui t'a formé, mais il a fait du bon travail !

- C'est toi, prétentieux. Réponds !

- Non, ils ne sont pas vraiment amis. Tous les deux très pris par leur travail, ils ne se voient que lors des voyages. Et le serviteur du baron n'est pas assez riche pour payer le commerçant pour un faux témoignage.

 

Calith grimace en entendant la réponse à la question qu'il allait poser. L'air satisfait du loup-garou, parfaitement conscient de son effet, l'horripile et il insiste, dans l'espoir de le surprendre :

 

- Ils devaient pas mal s'apprécier, pour faire souvent le voyage ensemble. Une sorte de complicité. Tu es sûr que le commerçant n'aurait pas pu s'arranger avec la vérité ?

- Absolument certain. C'est moi qui l'ait interrogé, et il ne m'a pas menti.

 

Calith pousse un long soupir. Que le serviteur soit coupable aurait été trop beau. Au lieu de ça, il ne reste que des gens qui l'appréciaient, qui n'avaient aucune raison de le tuer. Et avoir découvert l'arme ne leur apprend strictement rien. Il est évident qu'un homme possède un rasoir dans ses appartements. Inutile de prendre le risque de se déplacer avec le sien, ou un rasoir emprunté, quand on peut en trouver un sur le lieu du crime. Calith se frotte les paupières avant de soupirer :

 

- Il faut qu'on avance, Loundor, et qu'on trouve le coupable. Je compte sur toi. Demain, je devrais faire une annonce pour rassurer les gens, et je dois leur donner de bonnes nouvelles.

- Sinon, on trouvera un coupable idéal.

 

La déclaration d'Elihus, premières paroles depuis leur joute verbale, jette un froid. Loundor et Calith se jettent un regard avant de hausser les épaules. Ils feront tout ce qu'ils pourront, ensemble, pour éviter qu'un innocent soit accusé.

 

 

 

 

 

Le temps a filé de manière incroyable, et Alima vient les chercher : le représentant des boulangers est arrivé et attend le roi. La journée, ensuite, n'est qu'une longue succession de doléances. Calith sait parfaitement qu'il ne doit pas se montrer trop à l'écoute des plaignants, au risque de passer pour un être crédule, qui accepte tout, et à qui on peut tout demander. Alors il tord le nez sur les sujets les moins importants, gagne du temps et négocie âprement. La seule nouvelle qui vient ensoleillé sa journée, c'est celle que lui apporte l'un des informateurs de Nala. Vivant dans l'enceinte des murailles, apprécié d'une immense partie de la population, il sert d'oreille à la belle espionne. Et, en son absence, au roi. Les nouvelles sont plutôt bonnes. Sans surprise, l'arrivée au pouvoir du prince héritier et la mort du Tyran sont sur toutes les lèvres. Et le peuple est heureux de voir Calith roi. Les mesures qu'il a prises, notamment concernant le retour dans leurs familles des soldats et de la nourriture, ont été acclamées. Et à de rares exceptions près, les annonces qui se succèdent, à mesure qu'Elihus et Calith prennent des décisions, sont très bien acceptées.

 

C'est donc ravi, mais épuisé par une journée intense, qu'il regagne ses appartements dans la soirée, espérant passer une soirée calme et reposante. Sauf que lorsqu'il ouvre la porte de ses appartements, il surprend le simplet, debout devant la table, une main tenant la cloche qui garde le plat au chaud, l'autre en l'air, prête à mettre quelque chose dans le plat. Et le sang de Calith ne fait qu'un tour, éreinté comme il est par sa journée.

 

- Ne bouge plus ! Qu'est-ce que tu faisais, dans mon assiette ?