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Titre du blog : Histoires yaoi
Auteur : histoiresyaoi
Date de création : 31-05-2013
 
posté le 16-06-2013 à 12:19:02

Pieveth, Chapitre 7

 

 

 

L'esclave tombe à genoux, tête baissé, tremblant de la tête au pieds. Il laisse choir la cloche, qui rebondit sur le paquet dans un grand bruit. Caltih jure à mi-voix. Le simplet ne lui répondra pas. D'un pas rapide, il s'approche de son assiette : rien ne semble avoir été ajouté. Mais le meurtre du baron de Beoan hante son esprit. Il serait si simple de mettre du poison dans son assiette pour se débarrasser de lui ! Un rapide regard autour du plateau ne montre aucune présence d'objet incongru : pas de pochette en tissu ni de fiole. S'il y a du poison, l'esclave l'a fatalement transporté dans un contenant. Le roi se rapproche du simplet et lui ordonne :

 

- Montre-moi tes mains.

 

Il obéit immédiatement. Il ne cache rien dans ses mains, mais l'une d'entre elle est poisseuse de jus de viande. Un soupçon se forme dans son esprit, mais il n'y accorde pas d'importance pour le moment.

 

- Lève-toi et enlève ton pagne.

 

Et l'esclave s'exécute dans la seconde. C'est le seul endroit où il pourrait cacher quelque chose. Calith l'examine attentivement, sans aucune arrière-pensée, mais rien n'est dissimulé sous le tissu.

 

- Ouvre la bouche.

 

Un éclair de panique traverse le regard ébène de l'asservi, mais il obéit. Et sur sa langue, un morceau de viande. Le menu du soir est un sauté de porc aux épices, il était facile pour l'esclave d'en prendre un morceau sans que le roi le remarque.

Les yeux de l'esclave sont remplis de larmes et il n'ose pas fermer la bouche. Mais tout pathétique qu'il soit, il n'apaise pas la colère du roi.

 

- Tu es nourri, comme tout le monde. Tu n'as pas à te servir dans mon assiette. Si je t'ai demandé à mon service, c'est que j'estimais pouvoir te faire confiance. Comment le pourrais-je, maintenant que je t'ai vu piocher dans mon repas ? Qui me dit que la prochaine fois, tu n'y mettras pas quelque chose ? Comme du poison par exemple !

 

Les larmes coulent librement sur les joues de l'esclave, qui retombe à genoux pour implorer le pardon de son souverain. Mais Calith n'est pas d'humeur clémente. La tension de la journée lui pèse lourdement sur les épaules et la possibilité qu'on veuille l'empoisonner, trop réelle. Il laisserait alors le royaume au bord du chaos, sans héritier, et la situation ne pourrait qu'empirer.

 

- Remets ton pagne. Dépêche-toi.

 

Lorsqu'il en a terminé, Calith l'attrape par le bras et se rend, d'un pas militaire, au quartier des esclaves, jusqu'au bureau de Voinon. Et il pousse le simplet en larmes devant lui, avant d'assener :

 

- Apprends à tes esclaves à se tenir. Je ne veux qu'il remette ses sales pattes dans mon assiette, c'est clair ? Il se sert avant même que j'ai mangé ! Je ne le tolèrerai pas !

 

Voinon, avisé, hoche vivement la tête et promet qu'il va régler le problème. Calith repart aussi rapidement qu'il est venu, sans un regard pour le simplet. Et arrivé dans ses appartements, il va directement se coucher, rageur. Dans son état, il lui faut de longues heures avant de trouver, enfin, le sommeil.

 

 

 

 

C'est donc un roi cerné, les cheveux droits sur la tête et d'une humeur exécrable que Loundor va visiter, très tôt, dans ses appartements pendant son petit-déjeuner. Et c'est avec toute la diplomatie dont il est capable que le Général déclare :

 

- Tu as une sale tête.

 

Un silence buté lui répond. Loin de se laisser impressionner, Loundor s'installe sur un siège, face à son roi, et poursuit :

 

- J'ai appris pour ton esclave. Je suppose que ton humeur de garou affamé vient de là ?

- Tu supposes bien.

 

Le loup soupire, observe Calith. Il n'a pas besoin de longs discours pour connaître les sentiments qui l'agitent. Colère, trahison, déception. Alors il se contente de faire ce qu'il sait faire de mieux : déranger :

 

- Tu ne le prendras plus à ton service ?

- Je n'en sais rien, bon sang ! Ce qu'il a fait est irrespectueux et dangereux. Mais d'un autre côté...

- D'un autre côté, tu t'es attaché à cet oisillon blessé.

 

Un grognement maussade pour toute réponse, Calith massacre, de sa fourchette, l'omelette qui gît dans son assiette. Après un petit rire amusé, Loundor reprend :

 

- S'il s'était servi dans mon assiette, avant que je mange, je crois bien que je lui aurais arraché un bras. Mais tu dis que c'est dangereux. Tu as pensé qu'il mettait quelque chose dans ton assiette ?

- Hum.

- Du poison ?

- Hum.

- Hé, Calith ! Mes hommes et ceux de Nala sont de partout. Ne t'imagine pas qu'on te laisse sans surveillance. Nous connaissons les moindres faits et gestes des esclaves et serviteurs qui sont à ton service. Et se procurer du poison, pour un asservi, c'est un parcours du combattant : on l'aurait forcément repéré.

- Pourtant, il a pioché dans mon dîner sans que vous ne soyez au courant.

- Je vais t'assigner un garde. Il dormira dans ta chambre et te suivra de partout.

- Non ! Arrête, Loundor. Tu sais bien que je déteste ça.

- Alors fais-nous confiance. Ton esclave n'a fait que céder à la tentation d'un sauté de porc. Il ne mange sans doute pas tous les jours de la viande. Tu étais loin des appartements, il a voulu tenter sa chance.

- Tu prends sa défense ?

- J'essaie de te faire relativiser.

 

Comme pour souligner ses propos, Loundor se sert dans l'assiette de son roi, un sourire de défi sur les lèvres. Calith prend alors conscience de la désinvolture du Général. Il est sans doute celui qui prend le plus au sérieux la sécurité de son roi. S'il se permet de considérer cet événement comme un incident, c'est qu'il a de bonnes raisons de le faire. Lisant sur le visage de Calith comme dans un livre ouvert, le Général lui fait un clin d'œil avant de se lever et de déclarer :

 

- On va aller le voir, ton esclave. Et on en aura le cœur net.

- Bien.

 

Rassuré, Calith l'imite. Après tout, les loups-garous savent parfaitement décrypter les émotions : si l'esclave ment, Loundor le saura à coup sûr. Alors ils se dirigent d'un pas assuré vers les couloirs où travaille le simplet. Il leur faut plusieurs minutes, à arpenter les dédales, avant de trouver l'esclave en train de balayer le sol. Un grondement sourd jaillit de la gorge du Général, mais il se reprend aussitôt et ne laisse rien voir, sur son visage, des sentiments qui l'animent.

Perdu dans ses pensées, l'asservi ne les a pas vu arriver et poursuit son labeur, le dos courbé et la tête basse.

 

- Retourne-toi !

 

La voix grave et puissante du Général le fait sursauter, cramponné au manche du balais, et le simplet obéit immédiatement. Présentant un dos strié de traces de fouet, encore à vif. Certaines plaies laissent échapper des fins filets de sang, tâchant son pagne. La gorge nouée, Calith réalise qu'il est directement responsable de cette correction. Incapable de parler, il laisse Loundor conduire l'interrogatoire. Et le loup-garou s'approche de l'esclave, lui ordonne de lui faire face. Les yeux soigneusement rivés sur le sol, ce dernier se laisse finalement tomber à genoux en signe de soumission. D'un haussement d'épaules, Loundor accepte cette position et débute les hostilités :

 

- Je sais que tu ne parles pas. Mais tu comprends. Alors je vais te poser des questions, et tu me répondras oui ou non d'un signe de la tête, d'accord ?

 

Un hochement de tête en signe d'acception lui répond. Oui.

 

- Les marques, sur ton dos, c'est la punition de Voinon pour ce que tu as fait hier ?

 

Oui.

 

- Tu penses que c'était mérité ?

 

Sans une hésitation, d'un mouvement véhément, l'esclave répond : oui.

 

- Pourquoi tu as fait ça ? Tu vérifiais si tu pouvais toucher l'assiette du roi sans qu'on le voit ?

 

Non.

 

- Tu voulais lui faire du mal ?

 

Non.

 

- Tu voulais juste manger ?

 

Oui.

 

- La viande t'as fait envie ?

 

Oui.

 

- On te donne à manger, pourtant ?

 

Oui.

 

- Tu n'aurais jamais dû te servir. Tu le sais ?

 

Mouvement véhément de la tête : oui.

 

- Est-ce que tu recommenceras ?

 

Non.

 

- Est-ce que tu aimes ton roi ?

 

Après une infime hésitation, l'esclave hoche doucement la tête : oui. Léger ricanement de Loundor, qui commente :

 

- On va dire que c'est de la diplomatie, hein ? Je sais très bien quand tu me mens. Tu veux nuire au roi ?

 

Non.

 

- Si tu retournes à son service, tu lui seras loyal ?

 

Oui.

 

- Tu es prêt à tout pour le satisfaire ?

 

L'esclave hésite avant de répondre : oui.

 

- Tu me mens.

 

Il semble se recroqueviller sur le sol, les joues légèrement rouges. Détail qui n'échappe pas à Loundor, qui jette un regard à son roi. Qui présente les mêmes colorations sur le visage. Dans un soupir faussement agacé, le loup-garou poursuit :

 

- Je ne parlais pas de ça ! Vous ne pensez qu'au plaisir ou quoi ? Esclave, est-ce que tu souhaites le meilleur pour le roi ?

 

Oui.

 

- Des envies de vengeance ?

 

Non.

 

- Des projets de meurtre ?

 

Non.

 

- Est-ce que tu as envie de retourner à son service ?

 

L'esclave hausse les épaules dans une grimace de douleur. L'absence de réponse lance Calith dans un tourbillon d'hypothèses : il ne répond pas pour ne pas mentir. Il souhaite épargner la fierté du roi. Il refuse de passer pour un lèche-botte. Mais c'est finalement Loundor qui trouve la vérité :

 

- Tu feras ce qu'on te dira de faire, c'est ça ?

 

Oui.

 

- Bien. Reprends ton travail.

 

Loundor se détourne rapidement, prenant son roi par le bras pour l'entraîner dans le dédale de couloirs jusqu'à la salle de repos des soldats, toute proche de la cour d'entraînement. S'il salue les personnes qu'il croise, il ne ralentit pas, sentant que Calith souhaite parler, mais désirant le faire à l'écart des oreilles indiscrètes.

 

 

 

 

 

Les éclats de rires gras des soldats témoignent de la présence d'hommes dans la salle de repos. Alors le Général bifurque et l'emmène dans son bureau, situé juste à côté, mais désert.

 

- Bon. Ton esclave est inoffensif, servile et soumis.

- Mais il ne souhaite pas spécialement être à mon service.

- N'inverse pas les rôles, Calith. C'est un esclave, tu es le roi. Tu ne vas pas te plier à ses exigences. Si tu souhaites qu'il te serve, il le fera. Et je peux t'assurer qu'il te sera loyal et qu'il ne te fera aucun mal. Si tu veux toujours de lui à ton service.

 

Vautré dans le fauteuil confortable, Calith joue machinalement avec la boucle de sa ceinture. Le comportement de l'esclave l'a sacrément dérangé et lui a fait peur. Mais si Loundor lui assure qu'il est inoffensif, pourquoi se priver de le garder à ses côtés ? Pourquoi se priver de le regarder agir, avec ses gestes maladroits, son air pitoyable et ses cheveux si doux ? Sans même parler de son savoir-faire... Calith pousse un long soupir.

 

- Est-ce que tu vas refuser de t'occuper de l'oisillon blessé parce qu'il t'a pincé le doigt d'un coup de bec ?

- Arrête ça, Loundor !

 

Un sourire qui se veut innocent orne les lèvres du colosse. Évidemment, Calith n'est pas dupe une seconde. Sentant son attachement pour le simplet, Loundor doit vouloir manigancer pour qu'il le reprenne à son service. Et la provocation marche plutôt bien avec Calith. Pour preuve, il répond :

 

- Tu as gagné. Je vais faire savoir à Voinon que je souhaite garder le simplet à mon service.

- En parlant de ça. Il n'a de simplet que le surnom. Il est loin d'être bête. Je me suis renseigné un peu : il ne se mêle pas aux autres, ne parle pas et dort même sous sa paillasse, mais ça ne fait pas de lui un demeuré. Il est resté pendant huit mois avec le bourreau et les Dieux seuls savent ce qu'ils s'est passé là-bas. Garde-toi de le juger sur son comportement alors qu'il vient tout juste de retrouver une liberté relative.

- Alors tu t'en es aperçu, toi aussi ?

- Évidemment. Il sera un excellent esclave pour toi, Calith, s'il perd ses mauvaises manies.

- Je crois qu'après la correction qu'il a reçu, il n'est pas près de recommencer.

- J'en suis persuadé. Et c'est normal, qu'il ait faim. Mais il ne faut pas trop nourrir une personne qui a été privée pendant longtemps. C'est mauvais. Son appétit va se réguler avec le temps.

- Dis-moi, Loundor. Pourquoi tu as grogné, quand tu l'as vu ?

- Aucune idée. C'est le loup qui s'est exprimé. Il a surgit, comme ça, sans que je puisse l'expliquer. Mais ça ne signifie pas qu'il le considère comme indigne de confiance.

- Je me fie à ton jugement, Loundor. Bon...

 

Calith se lève, observe rapidement la pièce : le bureau, simple et fonctionnel, les quelques fauteuils pour les visiteurs, des ouvrages militaires qui ornent le mur du fond. Une pile de dossiers, là encore, sur une table basse. Le roi pousse un soupir. Il doit retourner se jeter dans les griffes d'Elihus, qui ne le lâchera plus jusqu'à la tombée de la nuit. Mieux vaut rester ici à découvrir ce qui fait le quotidien de Loundor. Et ce dernier, un sourire rivé aux lèvres, devine :

 

- Si tu préfères rester ici encore quelques heures, j'ai un excellent alibi pour toi : ça fait trop longtemps que tu ne t'es pas entraîné avec moi.

- Hum. J'aimerais. Mais il y a les dossiers. Et je dois faire une annonce, à midi, concernant l'avancée de l'enquête sur le meurtre de Beoan.

- Et tu n'oublies pas, cette fois.

- Oh non ! Mais je dois convaincre Elihus de ne pas exécuter un innocent.

- Ne te leurre pas, il ne le fait pas de gaité de cœur. Mais admettre que nous sommes incapables de découvrir un meurtrier qui rôde entre nos murs, c'est bien trop périlleux en début de règne.

- Je vais demander un jour supplémentaire à Elihus. Motive tes troupes, ils doivent trouver le vrai coupable !

- Compte sur moi, Majesté. Et viens t'entraîner.

- Je dois...

- Viens t'entraîner.

 

Loundor se lève souplement et tape amicalement sur l'épaule de son roi. Lorsqu'il quitte le bureau, il fait signe à l'un de ses soldats de s'approcher. Et d'une voix autoritaire d'un naturel sidérant, il ordonne :

 

- Va voir le conseiller Elihus. Dis-lui que c'est moi qui t'envoie, et que j'entraîne le roi. Je lui rends avant midi. Et ensuite, tu vas voir Voinon et tu lui dis que le roi désire garder l'esclave à son service, le soir. Il comprendra. Compris ?

- Oui, mon Général ! A vos ordres !

 

Ils ne s'attardent pas sur le départ du soldat et vont directement enfiler leurs tenues d'entraînement et récupérer leurs armes. Loundor ne ménage pas son roi, loin de là, mais étrangement, cette intense dépense physique lui fait beaucoup de bien. Un petit groupe de soldat s'est réuni pour assister à l'entraînement et encourage avec enthousiasme les deux combattants. Mais le temps passe trop vite et, rapidement, l'heure d'aller rejoindre Elihus arrive. C'est Loundor qui stoppe le combat et invite Calith a partager salle d'eau pour se rendre présentable.

 

 

 

 

Un messager, d'après ses vêtements couverts de poussière et une forte odeur de transpiration, alpague le roi alors qu'il quitte la cour d'entraînement et lui délivre son message, marchant à ses côtés. Nala a été bien reçue au royaume de Lluse. Elle a convaincu son monarque du changement de trône et, de ce fait, d'une nouvelle politique diplomatique. Le roi de Lluse est d'ailleurs prêt à reprendre les échanges commerciaux et a fait savoir à ses marchants itinérants que le royaume de Pieveth n'est plus une zone à bannir. Elle se dirige actuellement vers le royaume de Brevont.

 

Calith remercie le messager et l'invite à passer aux cuisines pour se restaurer avant de repartir.

C'est avec le sourire qu'il pénètre dans son bureau : Nala... Cette femme est capable de faire entendre raison à un loup-garou enragé. Son charme, sa beauté mais surtout son intelligence en font une excellente diplomate. Personne ne pourrait lui refuser quoi que ce soit.

 

- La situation t'amuse ?

- Elihus !

 

L'air maussade du conseiller calme sa jovialité. Secouant doucement la tête et reprenant un air grave, Calith va s'asseoir. En quelques phrases, il répète ce que lui a appris le messager et les raisons de son sourire. Alors, visiblement, Elihus se calme. Il en vient même à sourire à son tour. Le temps d'un clignement d'œil, car son visage redevient grave immédiatement :

 

- On doit parler à la cour, à midi.

- Je n'ai pas oublié.

- Que comptes-tu leur dire ?

- Je compte leur dire que notre enquête avance. Mais qu'il faut encore un peu de temps.

- Ils ne l'accepteront pas. Ils ont peur, Calith. Et moi aussi, j'ai peur pour toi. Imagine que l'assassin n'en ait pas fini. S'il s'en prenait à toi ?

- Je suis en sécurité, Elihus, tu le sais très bien. Et je suis sûr que ce n'était qu'un acte isolé.

- Tu as raison. Pardonne-moi. Je suis là pour t'épauler, pas pour te causer des soucis supplémentaires. Bien, je pense qu'on pourra gagner encore un jour. Mais ensuite, il nous faudra un coupable.

- Je sais, Elihus, je sais.

- Bien. Et maintenant, il y a ce problème avec …

 

Retenant de toutes ses forces un soupir, Calith s'enfonce plus profondément dans son fauteuil. Et devant l'avalanche d'informations que lui soumet Elihus, il en vient à espérer ce moment de répit que sera l'annonce, devant la cour, de leur échec. Et ce moment ne tarde pas à arriver.

 

Calith se pare de ses plus beaux atours, tout en noir en signe de deuil. Dès son arrivée, un silence respectueux se fait. Malgré les craintes d'Elihus, l'annonce est bien acceptée. La multitude de nobles richement vêtus, de serviteurs et d'artisans venus l'écouter semble lui faire confiance. Sans doute la sincérité du roi, quand il se dit touché par ce meurtre et qu'il fait tout pour que le coupable soit trouvé, les convainc. C'est avec soulagement que Calith quitte donc la salle du trône pour retrouver son bureau et le déjeuner.

 

Mais l'après-midi est une lente agonie de décisions et de griefs. Elihus, le nez plongé dans les dossiers, ne semble à aucun moment lassé, fatigué ou agacé. Et tandis que le roi fait semblant d'écouter, il se demande si son conseiller ne ferait pas partie d'une espèce magique, vouant un culte au Dieu Paperasse, doté du pouvoir rare et précieux d'aimer ça et d'y voir clair.

Le coucher du soleil lui permet, enfin, de quitter ce lieu maudit qu'est devenue la bibliothèque. Même s'ils avancent bien, ces dossiers semblent ne pas avoir de fin. Son père ne passait quand même pas tout son temps à faire ça ?

 

 

 

 

 

Son pas se fait pressé, lorsqu'il rejoint ses appartements. Lanen a préparé le bain et n'attend que Calith. Mais du simplet, aucune trace. Résigné à voir disparaître la seule raison d'égayer un peu sa soirée, il se plonge dans l'eau chaude, aux douces fragrances boisées. Il ferme les yeux et laisse l'onde accomplir ses bienfaits. Il pourrait presque sentir, un à un, ses muscles se détendre et sa migraine refluer. Mais un vacarme soudain le fait se redresser en sursaut. Sur le seuil de la porte, le simplet vient de faire chuter la coupe en étain sur les couverts d'argents qui peuplent le plateau. L'esclave s'est immobilisé mais ses tremblements font dangereusement vaciller le lourd plateau. Avant qu'une catastrophe n'arrive, le coeur battant encore la chamade, Calith ordonne à Lanen :

 

- Va l'aider.

 

Il obéit aussitôt, enlève le plateau des mains de son acolyte et l'apporte sans dommages jusqu'à la longue baignoire en bois. En quelques gestes rapides, il redresse la coupe et replace correctement les couverts. Le simplet n'a pas bougé, figé, dans l'attente de la sanction sans doute. Lorsque Lanen commence à enlever la cloche qui maintient les plats au chaud, Calith l'arrête d'un geste :

 

- Laisse-le faire, c'est son travail.

 

Voyant que Calith ne s'emporte pas suite à sa maladresse, le simplet semble reprendre le dessus et s'approche lentement de la baignoire. Prenant visiblement sur lui pour rester calme et efficace, il le sert sans faux pas. Mais le roi ne peut s'empêcher de remarquer que les plaies sur son dos saignent toujours. Lorsqu'il a terminé de manger, Calith sort de la baignoire et se laisse sécher par Lanen. Se tournant vers lui, il lui ordonne de soigner le dos du simplet puis de l'envoyer le rejoindre dans son lit.

 

Il patiente quelques courtes minutes avant de voir le simplet revenir et s'agenouiller devant le lit. Une manière de le remercier ? Calith ne le saura jamais mais passe une main affectueuse dans les cheveux ras.

 

- Allez viens.

 

Sans marquer la moindre hésitation, l'esclave se glisse entre les jambes du roi et s'applique, tout en douceur, à lui donner du plaisir. Il réussit fort bien mais Calith désire autre chose. Sans le brusquer, il redresse le menton de son esclave, qui évite soigneusement son regard, puis le guide, lentement, jusqu'à ce qu'il prenne la position voulue, à califourchon sur lui. Lui laissant l'initiative de la pénétration et du rythme qui lui convient. La douce chaleur du fourreau lui fait immédiatement perdre pied. Affalé sur les oreillers, les yeux clos, il caresse d'un geste machinal les cuisses de l'esclave, tandis que ce dernier démontre que son savoir-faire ne s'arrête pas aux caresses buccales.

 

 

 

 

C'est une brutale intrusion dans ses appartements qui le réveille en sursaut. D'un geste réflexe, il lance un sort offensif sur l'intrus. Un sort qui l'immobilise parfaitement. Du moins, qui aurait dû l'immobiliser parfaitement si l'intrus en question n'avait pas les réflexes surnaturels d'un loup-garou. Loundor esquive souplement le flux magique, qui va s'écraser sur le mur derrière dans une explosion d'étincelles.

 

- Et dire qu'on s'inquiète pour toi...

 

Calith est déjà debout, son ample vêtement de nuit de guingois, mais sa dague levée, prête à s'abattre sur l'intrus. En réalisant qu'il s'agit du Général, il baisse le bras et se laisse tomber sur le matelas.

 

- Et c'est pour me tester que tu me réveilles en pleine nuit ?

- J'aurais préféré. Et l'aube approche.

- Qu'est ce qu'il se passe ?

- On a découvert une nouvelle victime.