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Titre du blog : Histoires yaoi
Auteur : histoiresyaoi
Date de création : 31-05-2013
 
posté le 18-06-2013 à 13:23:53

Pieveth, Chapitre 9

 

 

 

 

- Parfait.

 

Saluant d'un mouvement de la tête la foule, il s'éloigne vivement, pressé de fuir la cour et d'en savoir plus sur cette histoire d'esclave.

Suivant le pas martial du Général dans les couloirs, il lui demande :

 

- Où a-t-elle été retrouvée ?

- Elle dormait dans les ballots de linge sale.

- Pardon ?

- Elle est chargée d'enlever le linge sale des chambres de l'aile ouest, puis de l'emmener à côté du lavoir, dans la salle prévue à cet effet. Voinon nous avait dit qu'elle travaillait, alors on a battu le rappel pour la chercher dans l'aile ouest. Mais comme elle a passé une partie de la soirée avec le Duc de Peliel, et peut-être même toute la nuit à le regarder mourir, la pauvrette devait être épuisée.

 

Le ton, clairement ironique, du loup fait grimacer Calith mais il ne fait aucun commentaire. Cette esclave est la dernière personne a avoir vu le duc vivant, du moins, à part l'assassin, et elle pourrait fournir de précieux renseignements. Mais rien ne prouve, pour le moment, qu'elle est liée à sa mort. Elle ferait certes une coupable idéale, mais le roi veut absolument s'assurer, sans l'ombre d'un doute, de sa culpabilité avant de faire ce genre de remarque.

 

Ils se dirigent vers les geôles mais Loundor ne s'arrête devant aucune porte du long couloir. L'esprit de Calith le projette quelques jours plus tôt, lorsqu'un bras décharné avait tenté de saisir la miche de pain. Hier au soir, le simplet était reparti sans qu'il s'en aperçoive, le recouvrant proprement de son édredon. Le roi savourait l'instant de grâce qui suit la jouissance et n'avait pas eu conscience du départ de son esclave. Et ce soir, le simplet reviendra et lui prodiguera encore des caresses exquises.

 

Un terrible pressentiment l'extirpe de ses pensées et envahit le jeune roi lorsqu'ils s'avancent vers le bureau sobre et dépouillé, dans le couloir jouxtant les cellules. D'une voix étranglée, il demande :

 

- Loundor, ne me dis pas que tu vas la torturer ?

- Pour qui tu me prends ?

 

L'indignation est bien visible sur les traits d'ordinaire impassibles du Général. Il y a de quoi. Calith s'en veut d'avoir osé insinuer une telle chose. Le loup-garou est un homme sévère, mais juste. Il n'a jamais torturé personne, alors il ne va pas commencer avec une esclave. Mais pourtant, elle se trouve là, assise sur une chaise en bois, les poignets et les chevilles ligotées, l'air totalement terrifiée. Ses cheveux longs sont relevés en chignon et laissent clairement visible le collier en métal autour de son cou. Un corsage, d'un tissu rugueux, laisse deviner de fortes appétissantes courbes. Elle est jolie, malgré sa terreur, très jolie. Calith comprend pourquoi le duc la faisait demander. Deux gardes sont assis sur la table toute proche et discutent à voix basse sans la quitter des yeux. Loundor, à peine arrivé, prend sa voix la plus menaçante pour demander à la jeune asservie :

 

- Comment tu t'appelles ?

- Azhel, messire.

- Je ne suis pas ''messire'', je suis le Général de notre armée.

 

La jeune esclave semble perdre un peu plus ses moyens et balbutie des excuses. Soudain, Calith comprend. Loundor veut l'intimider. La salle de torture, sa grosse voix qui résonne entre les murs lugubres, sa carrure de guerrier, cette remise en place : tout est fait pour que la jeune femme redoute le pire. Et soit plus encline à parler, sans avoir à faire preuve de la moindre violence. Pourtant, les Dieux savent que Loundor peut être d'une gentillesse désarmante, dans l'amitié. Mais son statut de Général le force bien souvent à enfiler ce masque bourru de froideur et d'autorité. C'est sans crainte que Calith regarde le Général s'approcher de la jeune femme et lui demander :

 

- Tu étais avec le duc de Peliel hier ?

- Oui, Général.

- Toute la nuit ?

- Non, Général.

- Quand l'as-tu quitté ?

- Vers la mi-nuit, Général.

- Pourquoi ?

 

La jeune femme s'empourpre et des larmes viennent affleurer le bord de ses yeux. Jetant un rapide regard aux deux gardes, qui n'ont pas bougé, elle murmure :

- On avait terminé, Général.

- Terminé quoi ?

- Le duc estimait que je lui avais donné suffisamment de plaisir, Général. Il s'était endormi et ne m'a pas vu partir.

 

La pointe de ressentiment que Calith sent dans sa voix le fait déglutir bruyamment. Le simplet a-t-il été blessé par son indifférence ?

 

- Tu fais ça souvent, avec lui ?

- Aussi souvent qu'il le demande.

- Tu ne réponds pas à ma question. Combien de fois par semaine ?

- Deux à trois fois, Général.

- Uniquement la soirée ?

- La plupart du temps, Général. Il n'a plus la forme des jeunes, si je puis me permettre.

- Tu le fais avec d'autres ?

- Oui Général. Ceux qui le demandent.

- Donne-moi des noms.

 

La jeune esclave n'hésite pas un instant et débite une liste relativement longue de membres de la cour, parfois même de serviteurs. Loundor tourne lentement autour du fauteuil, profitant d'être dans le dos de la jeune esclave pour lancer un regard dépité au roi. Et de sa voix autoritaire, il reprend ses questions :

 

- Quand tu l'as quitté, il était toujours en vie ?

- Oui Général. Il dormait.

- Tu n'as croisé personne dans les couloirs ?

- Non Général.

- Tu n'as rien entendu ?

- Non Général.

- Est-ce qu'il t'a parlé ?

- Un peu, Général. Pour me demander de lui servir à boire ou pour prendre certaines positions.

- Est-ce qu'il t'a confié quelque chose ? Des soucis avec quelqu'un, des problèmes quelconques ?

- Non, Général. Il ne s'abaisse pas à discuter avec une esclave, Général.

- Bien. Si nous avons d'autres questions, nous te le ferons savoir. Reste à disposition et ne disparais plus.

 

Loundor lance un regard interrogateur à Calith mais ce dernier lui répond d'un léger signe négatif de la tête. Non, il n'a pas de questions.

C'est dans un silence morose qu'ils repartent de la salle du bourreau. La jeune femme n'a pas menti au Général, la mise en scène était aussi faite pour ça. Et ils ne sont guère plus avancés. Mais lorsqu'ils arrivent dans les couloirs des cellules, un chahut attire leur attention. Le simplet est en train de balayer le sol en pierre, sous les remarques des prisonniers. Ils parlent tous en même temps, aussi ni Calith ni Loundor ne parviennent à comprendre ce qu'ils racontent. Mais vue la réaction du simplet, qui se tient bien au milieu du couloir, recroquevillé sur lui-même, ce n'est pas pour faire éloge de son coup de balai.

 

 


 

 Le reste de l'après-midi ressemble à une interminable perte de temps. Calith, incapable de se consacrer aux problèmes de gestion courante, accompagne le Général dans ses investigations. Pour apprendre que personne n'a rien vu, ne sait rien et ne peut pas imaginer qu'on en voulait à un homme aussi charmant que le Duc de Peliel. En poussant les personnes interrogées dans leurs retranchements, ils parviennent tout de même à leur faire avouer que le duc était une personne assez soupe au lait, qu'il prenait la mouche facilement et qu'il fallait user de diplomatie pour ne pas se le mettre à dos. Décidant de creuser un peu de ce côté, ils ne se permettent pas de perdre trop de temps sur ces indications : entre se mettre à dos une personne et l'assassiner dans de telles conditions, il a un pas à franchir.

 

Ils dînent ensemble, loin de la cour, dans le bureau du roi. Ces affaires de meurtres ne quittent pas une seconde leurs pensées, ni leurs conversations. Tout ce qui peut ressembler à une piste part en poussière comme du papier brûlé dès qu'ils s'y intéressent un peu. Et la cour va devenir incontrôlable. Et aux noms des Dieux, il y a quelqu'un qui rôde, là, et qui tue !

 

C'est donc un repas maussade, où Calith triture avec sa fourchette les aliments plus qu'il ne mange. Si la seule nourriture qu'il a avalé de la journée se résume à une miche de pain piquée dans la cuisine après l'interrogatoire de Azhel, l'appétit n'est pas là pour autant.

 

Elihus et Loundor font la conversation, qu'il n'écoute que d'une oreille. L'impression d'être totalement impuissant lui noue le ventre. Un échec comme celui-là est terrible pour lui, alors qu'il a tant de preuves à faire. Repoussant son assiette, il se lève brusquement, sous le regard étonné de ses deux conseillers. Il ne supporte plus d'entendre parler de tout ça. Leur souhaitant une bonne nuit, il s'éclipse rapidement.

 

 

 

 

 

La nuit est tombée depuis quelques heures et rares sont les personnes qu'il croise dans les couloirs qui mènent dans ses appartements. Il rencontre tout de même deux patrouilles de gardes et leur adresse un bref salut.

 

Ses appartements se composent d'un hall, petit et sombre mais où on peut ficher des torches contre le mur et installer une petite table. C'est ici que patientent les invités, avant que le roi ne les accueille. Une porte donne sur le salon, une très grande pièce, où un feu brûle dans l'immense cheminée. Une longue table parfaitement cirée, des fauteuils confortables et d'épais tapis masquant les dalles de pierres froides sont au centre du salon. Contre les murs, quelques portraits d'ancêtres, que Calith n'a pas connu, et de lourdes tentures en velours pourpre. De nombreuses banquettes en bois, longues et recouvertes de tissus et de coussins, se blottissent contre les murs, prêtes à accueillir les visiteurs. Au fond, face à l'étroite fenêtre qui donne sur la forêt des loups, un fauteuil particulièrement confortable et une table basse accueillent souvent le roi.

 

Sur la gauche, deux portes : l'une pour la salle d'eau, la seconde pour la chambre royale. Une chambre relativement grande, mais uniquement composée d'un lit à baldaquin et d'une cheminée, ainsi que des armoires renfermant habits et possessions.

 

Lorsqu'il franchit la porte du salon, il voit tout de suite les deux esclaves qui attendent son retour. Et qui, dès qu'ils l'aperçoivent, se précipitent pour le servir. Mais Calith dédaigne le bain, trop long alors qu'il est fatigué, et se contente de rapides ablutions. Et il dédaigne le repas, qu'il vient de prendre sans appétit. En fait, il réalise qu'il n'a envie que d'une chose : un moment d'intimité avec le simplet. Il renvoie donc Lanen dans les dortoirs des esclaves.

 

Il dévisage le simplet, ses cheveux rasés, son beau visage, son large collier. Il est contrarié, énervé par l'échec de leur enquête. Ce soir, il n'a pas envie de douceur.

 

- Tourne-toi.

 

L'asservi obéit immédiatement, laissant voir un dos encore très marqué par les coups de fouet, bien que les plaies soient saines. Aussitôt, le roi prend sa décision :

 

- Va t'allonger sur le ventre.

 

Les yeux baissés qui lui font face ne lui permettent pas de lire la moindre émotion et il le regarde prendre place avec impatience. Il grimpe sur le lit et s'installe à califourchon derrière l'esclave. Sans douceur, il lui relève le bassin, y glisse un oreiller pour le maintenir dans cette position. Toujours brusquement, il lui écarte largement les jambes. Calith n'a rien maîtrisé de la journée, rien contrôlé. Enfin, ce soir, il en a la possibilité. Il prend son temps pour conquérir l'intimité du simplet, qui ne bronche pas. Mais à peine est-il entièrement en lui qu'il se déchaîne. Ses grands coups de butoir imposent le rythme infernal qui reflète sa colère. La puissance de ses coups de rein, celle qu'il enrage de ne pouvoir utiliser pour arrêter le meurtrier. Le seul plaisir qu'il retire de ce rapport, c'est de dominer son esclave, d'imposer sa volonté. Toujours plus fort. Toujours plus loin. Et il se maîtrise, lui-même, pour faire durer ce moment d'extase où il est maître de la situation. Le corps couvert de sueur, ahanant comme un bucheron, il pilonne vigoureusement l'intimité de l'asservi. Encore et encore. Jusqu'à ce que le plaisir monte en lui. Jusqu'à ce que la jouissance lui face perdre pied et s'écrouler sur le dos malmené du simplet, à bout de souffle. Jusqu'à ce qu'il réalise que le visage qui lui fait face est grimaçant de douleur et baigné de larmes.

 

- Va-t-en.

 

Et l'asservi d'obéir sans hésiter, quittant le lit avec célérité, rabattant juste l'édredon sur le corps qui vient de le maltraiter. Les yeux grands ouverts dans l 'obscurité, Calith reprend son souffle. Et se rend compte de ce qu'il vient de faire. Une partie des paroles de Loundor lui revient à l'esprit : ''Ce n'est pas un animal, c'est un esclave''. Un esclave. Un être humain, tout privé de liberté qu'il soit. Mais un roi ne s'attache pas à un esclave, un roi ne s'excuse pas face à un esclave. Un roi ne dit pas qu'il est désolé, à un esclave.