- C'est un de tes protégés, Loundor ! Comment peux-tu approuver ces calomnies ?
- Je ne les approuve pas, Calith. Mais je ne laisse pas mes sentiments me voiler la face. Cependant, il me semble que ton esclave n'était pas là, pour l'un des meurtres. Et nous avons un très bon moyen de nous assurer de son innocence.
- L'interroger ?
- Oui. Je lui poserai les questions. S'il me ment, je le saurai.
- Fais-le venir, alors. Maintenant.
- Non, Calith. Je vais aller l'interroger, seul. Et toi, tu restes là. Tu es bien trop en colère pour m'être d'une quelconque utilité. Et ta présence ne l'aidera pas à se livrer. Fais-moi confiance, Calith. Assieds-toi et attends quelques minutes.
La voix du Général, tout comme son air déterminé, incitent Calith à obéir. Mais impossible d'attendre sagement assis. Sitôt Loundor hors de son bureau, il fait les cent pas, tournant et virant, jurant et pestant, plaidant à la fois pour et contre l'innocence du simplet. Et alors qu'il menaçait de perdre toute retenue, la porte s'ouvre sur un Général souriant.
Comme un soufflé resté trop longtemps dans le four, la colère de Calith retombe immédiatement. Et disparaît complètement quand le Général lui annonce :
- Il m'a juré qu'il n'était pas coupable, et il ne me mentait pas. Il ne sait rien de ces meurtres, pas même ce qu'il se raconte parmi les esclaves : tu sais qu'il ne s'est jamais mêlé à eux. Il se doutait qu'il se passait quelque chose au château, à cause du nombre de gardes qui rôdent dans les couloirs, mais sans savoir pourquoi.
- Alors il est vraiment innocent ?
- Définitivement.
Une vague de soulagement balaie toute trace de colère chez Calith. Loundor, connaissant bien son ami, lui offre une bière, le temps de discuter avec lui de tout et de rien, comme pour s'assurer que la colère n'explosera pas à nouveau dans quelques minutes. C'est qu'il a d'autres nouvelles à lui annoncer, et pas forcément des bonnes...
C'est avec grand plaisir que Calith partage une chope de bière avec son ami. S'ils discutent des accusations d'Elihus, ce n'est que brièvement. Très vite, ils parlent du retour de la femme de Loundor, de ses trois enfants et des appartements privés qu'elle est en train de redécorer. Et Calith demande enfin ce qui le hante depuis des jours :
- Et comment ça se passe avec le simplet ?
- Il s'appelle Iezahel. La mission a Rocnoir lui a fait du bien. Il a pris ses marques, se mêle un peu plus aux soldats, maintenant. Il parle avec eux, même s'il ne s'agit que de banalités. Mais ça s'arrête là. Et sans surprise, il s'avère qu'il est un très bon combattant. Il est doué, quelle que soit l'arme qu'il emploie.
- Ce sont d'excellentes nouvelles, Loundor !
Mais le Général ne répond pas. La tension montre brusquement dans la pièce. Là, dans le silence sépulcral, il change soudainement de comportement. Refuse de croiser le regard de Calith. Un pli soucieux barre son front. Après quelques secondes d'hésitation, il murmure :
- Pas vraiment. Il n'y a rien de flagrant. Il combat très bien, se montre attentif à tout ce que nous lui apprenons. Mais … il reste des problèmes. Les hommes le craignent. Il met une distance entre eux qui les rend mal à l'aise. Ils font toujours le premier pas pour lui parler et n'obtiennent pas forcément de réponse.
Calith reste silencieux. Son affectation dans les rangs de l'armée est encore très récente. Il lui faut sans doute plus de temps pour s'y faire. Et puis, il n'apprécie peut-être pas l'humour parfois vulgaire des soldats. Enfin, sachant ce qu'il a vécu dans la salle du bourreau, comment lui en vouloir d'être méfiant ? Face au silence du roi, Loundor reprend :
- C'est la cohésion qui fait la force d'une armée, Majesté. S'il est exclus, ça pourrait poser des problèmes lors des batailles à venir. Et puis... il rechigne à m'obéir.
- Comment ça ?
Le roi est sincèrement surpris. Loundor est un homme juste, que tous respectent. Et il n'a jamais eu aucun mal à se faire obéir, même si, il faut bien le reconnaître, les soldats ne sont pas toujours des enfants de chœur. Le garou marmonne :
- C'est difficile à expliquer. Pas vraiment palpable. Il nous obéit, à mon bêta ou à moi, c'est pas le soucis, mais avec un temps de retard infime. Quelques secondes, même pas. Pas assez pour que je puisse lui reprocher. Mais... ça va poser un problème.
- Sais-tu pourquoi il se comporte de la sorte ?
- Son loup. C'est son loup. Il est dominant. Très dominant.
- Mais pas autant que le tien, si ?
Le Général hésite encore, soupire. Calith comprend sa réticence. Les lycanthropes sont régis par la dominance de leur part animale. Elle se traduit par la force physique pure, d'une part, mais aussi par leur force mentale. Et c'est cet ensemble qui détermine qui des deux loups, lors d'un combat, remportera la victoire et assurera sa supériorité face à l'autre. Ils n'ont pas besoin de se battre pour sentir si l'autre est puissant ou non, heureusement. Mais ils le sentent, et ça rend leurs rapports bien plus compliqués.
Et si le loup de l'esclave est réellement presque aussi fort que celui de Loundor, et peut-être plus que celui du bêta, c'est normal qu'il rechigne à exécuter un ordre de la part de celui qu'il considère comme son égal. S'ils venaient à se battre, et que l'esclave gagnait, alors le Général n'aurait plus aucune légitimité.
Et ces quelques écarts de conduite, qui semblent anodins aux yeux humains, sont autant d'affronts qui mettent en péril la position de chef du Général.
- Si. Peut-être même plus.
L'aveu de Loundor le laisse coi. Pour qu'il en vienne à admettre cet état de fait, c'est qu'il redoute réellement pour la cohésion de sa troupe. Et il y a de quoi. L'esclave risque de mettre le feu aux poudres par sa simple présence.
- Tu proposes quoi ?
- De le placer sous une autorité qu'il ne peut pas remettre en cause.
- Laquelle ?
- La tienne.
- La mienne ? Mais je ne suis même pas garou !
- Justement. Il ne peut pas se mesurer à toi à ce niveau. Et puis, tu as toute sa loyauté.
- Parce que je suis roi ?
- Je crois qu'il s'en moque pas mal, de ça. C'est toi qui a libéré son loup. Et c'est un animal particulièrement loyal. Il t'en est reconnaissant à vie. Et il respecte énormément la force qui t'a permis de le libérer alors qu'il était impuissant. Pourquoi crois-tu qu'il s'est empressé de reprendre forme humaine, quand tu lui as demandé, l'autre jour dans la forêt ? Pour le plaisir de redevenir esclave ?
Calith est tellement surpris qu'il ne parvient pas à répondre. Loundor enchaîne :
- Je voulais t'en parler avant que tu ne me fasses part des accusations d'Elihus. Je pense l'affecter à ton service, comme garde personnel. Jérémias est un brave type, mais Iezahel sera redoutable. Si quiconque cherche à te faire du mal, le loup te défendra, au péril de sa propre vie.
- Mais l'homme ? Que j'ai acquis le loup à ma cause, bien malgré moi, je peux le comprendre. Mais l'esclave, me sera-t-il loyal ?
- Tu ne peux pas dissocier les deux. Il a retrouvé son équilibre. Si le loup t'es loyal, l'homme le sera aussi.
- Malgré ce qu'il s'est passé entre nous ?
- Oui. Parles-lui en si tu le souhaites, je pense d'ailleurs que ce serait une excellente chose à faire pour vous deux. Remettre les choses à plat, lui parler des rouleaux qu'on a trouvé dans la salle du bourreau, lui dire que tu ignorais tout ça. Dis-lui ce que tu veux, débrouille-toi, mais maintenant qu'il a retrouvé la parole, vous devez parler.
Les pensées de Calith s'emballent. Bien sûr, la cohésion de l'armée est fondamentale et il ne peut pas se permettre de laisser un tel danger auprès de Loundor. Et oui, il serait plus qu'heureux de pouvoir côtoyer le sim... Iezahel tous les jours. Mais c'est justement là que le bât blesse. Il ne mérite pas une telle loyauté, pas après ce qu'il s'est passé entre eux. Et savoir Iezahel tout proche, sans la possibilité ne serait-ce qu'effleurer sa peau, sera un véritable calvaire... Un calvaire ? De quel droit emploie-t-il ce mot, sachant ce que l'esclave a vécu ? Mais Loundor, impitoyable, poursuit son idée :
- Je sais que ça ne sera pas simple pour toi, Calith. Et je n'ignore pas que beaucoup, dans l'armée, vont être jaloux de cette promotion. Mais je n'ai pas le choix. Il ne peut pas rester sous mes ordres et je refuse de le faire retomber sous l'autorité de Voinon. Ce responsable de mes deux, incapable de comprendre ce qu'il passait, battant un homme alors qu'il souffre le martyre. Iezahel vaut trop pour reprendre le balayage des couloirs.
- Je t'ai entendu, Loundor. Mais je voudrais d'abord en parler avec Jérémias et le sim... Iezahel, pardon.
- D'accord.
Calith se lève souplement de son fauteuil et ouvre la porte. Jérémias est toujours là, sur le seuil, à monter la garde avec une concentration intense. Il s'empresse d'entrer quand son roi le lui ordonne et reste immobile, droit comme un i, en attendant les ordres. Et c'est Calith qui se charge de lui expliquer la situation :
- Il va y avoir des petits changements. Mais je voudrais que tu saches que je suis très content de ton travail. Tu es un excellent garde et la décision que nous venons de prendre n'est en rien liée à tes capacités. Un autre garde va m'escorter désormais et vous travaillerez ensemble. Quand tu seras de repos, il prendra la relève. Quand il sera indisponible, tu t'occuperas de ma sécurité. Mais la plupart du temps, il restera près de moi et toi, tu t'assureras que personne ne cherche à entrer dans les pièces où je suis.
Bien sûr, Calith n'attend pas un accord de Jérémias. Ces décisions ont valeur d'ordre, et ce n'est pas un garde qui osera remettre ça en question. Mais il s'est pris d'affection pour ce grand bonhomme et il veut être sûr qu'il ne sera pas blessé par ce changement. Mais à la surprise de Calith, Jérémias sourit. Il sourit même de toutes ses dents et s'exclame :
- J'suis très content, Sire ! Parce qu'avec cette histoire de corde, que je sois tout seul pour veiller sur vous, ça m'fichait des noeuds dans le ventre. C'est que c'est une sacrée responsabilité, pour un simple garde ! J'le connais, celui qui va venir ?
- Oui. Il s'agit de Iezahel, l'esclave qu'on appelait ''le simplet''.
- Ah !
- Quoi « ah » ?
- Ben c'est que les soldats, ils disent qu'il est bizarre. Pas très net dans sa tête, en fait. Mais ils disent aussi qu'il sait bien se battre. C'est le plus important, non ?
- Précisément.
- Alors j'suis content, Sire. Merci !
Calith et Loundor échangent un regard amusé, tandis que le garde quitte le bureau, ayant pour mission d'aller chercher Iezahel et de reprendre sa garde devant la porte. Si seulement tout le monde pouvait réagir comme lui aux décisions royales ! Quelques minutes passent, pendant lesquelles ils échangent quelques commentaires attendris sur Jérémias.
Puis la porte s'ouvre sur Iezahel, qui rentre d'un pas sûr dans le bureau. Il salue très poliment le roi et le Général. Et comme Jérémias, il attend patiemment la raison de sa présence ici. Mais Calith n'est pas en mesure de la lui expliquer. Il détaille l'esclave, maintenant qu'il est proche de lui. Il n'a fait que l'entr'apercevoir, depuis son retour de Rocnoir. Maintenant, il est là, à quelques mètres à peine, et le cœur du roi s'affole. La bouche soudain sèche, il scrute le visage fatigué. Ses cheveux sont un peu plus longs, maintenant. Ses joues, moins creuses. Le collier, toujours plus large que la moyenne, est bien visible, malgré sa tenue de soldat : un pantalon de laine, couleur terre, et une chemise épaisse, d'un vert sombre très naturel. Il semble avoir repris du poids, même si ce n'est pas évident à affirmer, avec tous ces vêtements.
Mais ce qui fait définitivement chavirer le roi, ce sont les yeux de Iezahel. Deux billes noires, qui fixent le Général. Il y a presque une lueur de défi, dans ces iris. Oublié, le regard fuyant et apeuré. Oubliés, les éclairs de terreur. Loundor avait raison : l'homme, privé de son loup, n'était plus que l'ombre de lui-même. Et le supplice qu'il a vécu, l'autorité de Voinon et de Calith, tous ces éléments contribuaient à le maintenir dans cette soumission forcée à grand renfort de sévices. Le loup lui a rendu sa dignité et sa force. Ce n'est plus un oisillon blessé qui se tient devant lui, mais un homme, équilibré et sûr de lui.
- Calith ? Je te laisse lui annoncer.
- Hum ? Ah ! Bien. A partir d'aujourd'hui, tu es affecté à ma protection personnelle. Tu dois me suivre partout, ne jamais me quitter du regard, et empêcher quiconque d'attenter à ma vie.
Le silence retombe dans le bureau, l'espace de quelques secondes. Puis une voix grave, douce musique aux oreilles royales, répond, vibrante de sincérité :
- J'en suis honoré, Votre Majesté.
D'un clignement de paupière un peu appuyé et d'une légère inclinaison de la tête, Loundor rassure son roi : l'esclave ne ment pas. Calith aurait mille autre choses à lui dire et à lui demander, mais la présence de Loundor l'en empêche. Alors, dans un sourire de remerciement, il lui dit :
- Je dois aller voir Elihus. On se verra plus tard.
- Sans faute.
Calith regagne alors ses appartements d'un pas vif, passant par les couloirs secrets, suivi comme son ombre par les deux gardes. Arrivé dans son salon, il s'adresse à Jérémias :
- Fais-nous monter deux repas. Et ensuite, je te laisse surveiller la porte principale.
- A vos ordres, Sire !
Un salut militaire et un regard rempli de soulagement puis Jérémias disparaît, laissant Calith et Iezahel seuls. Le roi va s'asseoir dans un fauteuil, soudain gêné. Ils n'ont jamais eu de réelle conversation, tous les deux. Par où commencer ? L'esclave reste immobile, les mains dans le dos. Son regard se fait fuyant, à nouveau, et refuse de croiser celui de son roi. Que redoute-t-il ? Prenant une profonde inspiration, Calith se lance :
- On m'a dit que tu t'appelais Iezahel.
- Oui Sire.
- C'est un …
Le roi se pince violemment les lèvres. De nouveaux rapports doivent s'établir entre eux, et lui dire qu'il a un très joli nom n'est certainement pas approprié. Les deux obsidiennes plongent dans le regard royal, dans l'attente de la suite de la phrase, avant de se détourner. Alors Calith reprend :
- C'est une bonne chose que tu puisses communiquer, désormais.
- Je vous suis redevable, Sire.
- J'aurais aimé me rendre compte plus tôt des sorts qui t'entravaient. Pourquoi ne pas avoir essayé de le faire comprendre à quelqu'un ?
- J'ai essayé, Sire. Mais Voinon n'a pas compris et il s'est impatienté. Il m'a dit qu'il n'avait pas que ça à faire, de déchiffrer les gesticulations d'un simplet. A qui d'autre aurais-je pu essayer de le faire comprendre ?
- A moi.
- Sire, vous êtes roi et je suis esclave. Je n'allais pas vous importuner avec ça. Et je...
L'esclave passe d'un pied sur l'autre, soudain gêné. Calith, bien que révolté par le comportement de Voinon, garde une voix douce pour lui dire :
- Assieds-toi. Et finis ta phrase.
- Merci Votre Majesté. Je … je pensais que vous étiez au courant. On m'a dit que ces sorts étaient obligatoires pour tous les loups-garous esclaves. Alors j'ai pensé que j'étais le seul et que c'était normal.
- Qui t'a dit ça ?
- Tathyn.
- Tathyn ?
En le prononçant, Calith réalise qu'il connaît ce prénom. Il voit le visage de l'esclave pâlir, se décomposer et ça lui revient :
- Le bourreau ?
- Oui Sire.
- Écoute-moi bien, Iezahel. Ce n'était pas normal, de te faire subir ces sorts. Et ce qu'il t'a fait, quand tu étais avec lui, n'était pas normal non plus.
L'esclave se recroqueville sur lui-même, comme s'il voulait se fondre dans le bois du fauteuil. Et sa voix grave devient filet quand il demande :
- Alors vous êtes au courant ?
- Oui. Nous avons retrouvé des manuscrits, dans la salle du bourreau. Il y a une partie de ce qu'il t'a fait subir. Et je sais que ça ne changera rien, mais je veux que tu saches que j'en suis désolé. Ces agissements me révoltent et m'horrifient. Je ne tolèrerai pas qu'ils se reproduisent, maintenant que je suis au pouvoir. Et plus jamais je ne te demanderai ce que je t'ai ordonné de faire quand tu étais à mon service.
Iezahel n'a pas besoin de plus détails, il sait parfaitement à quoi fait allusion Calith. L'arrivée de deux esclaves, apportant le déjeuner, ne dissipe pas sa gêne. Ils font pourtant honneur aux épaisses tranches de jambon cuit à l'os et aux quartiers de pomme de terre qui remplissent leurs écuelles, dans un silence complet. Sans vraiment réfléchir à ses paroles, Calith laisse échapper :
- Je m'en veux de t'avoir fait corriger par Voinon, quand je t'ai surpris à manger dans mon assiette.
- Je savais quels risques je prenais, Sire. Je pensais même que ma punition serait plus sévère. Mais j'avais faim. Les rations qu'on me donnait ne faisait qu'exciter mon appétit sans jamais me rassasier. Vous n'étiez pas là. C'était trop tentant.
- Je ne veux plus que ce genre de choses se reproduisent, Iezahel. Si tu as quelques à me dire, quoique ce soit, je veux que tu le fasses.
- Alors je veux vous remercier, Sire. Comme vous, je sais qu'un « merci » ou un « désolé » sont dérisoires par rapport à ce qu'il s'est passé. Mais je veux vous remercier de m'avoir libéré de la salle du bourreau. Et je veux vous remercier d'avoir libéré mon loup.
Calith garde le silence. Un « désolé » était dérisoire tout à l'heure, un « de rien » l'est plus encore maintenant. Il a fini de manger, alors il se lève, très vite imité par Iezahel. Sans brusquerie, le roi fait le tour de la table et se tient face à lui. Et sans se soucier plus en avant de la bienséance, il écarte les bras et serre l'esclave contre lui. Il ne met aucune force superflue, ce n'est pas un geste de possession ou de domination. C'est juste une accolade entre deux hommes que les mots n'arrivent plus à apaiser.
Iezahel l'étreint à son tour et pose son front sur l'épaule solide. Le cauchemar est terminé. Les tortures, les humiliations, la faim : tout est fini.
La chaleur de deux corps enlacés, la résonance du cœur de l'autre contre la poitrine, ce ne sont pas ses sensations qu'ils ressentent souvent. D'aussi loin qu'ils s'en souviennent, l'un comme l'autre, jamais ils n'avaient connu une telle étreinte. Les mots sont devenus inutiles, gênants même. Dans le silence du salon royal, sous l'œil crépitant de l'âtre, ils découvrent tout le réconfort qu'apporte une étreinte. Et ils restent ainsi, figés, noyés dans cette vague de bien-être, sans plus avoir conscience que la vie continue autour d'eux. Jusqu'à ce que des coups, frappés vigoureusement contre la porte, les ramènent à la réalité.