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Titre du blog : Histoires yaoi
Auteur : histoiresyaoi
Date de création : 31-05-2013
 
posté le 25-07-2013 à 15:11:12

Pieveth, Epilogue

 

 

 

 

 

 

- Allez, debout !

 

Dans un grognement, il se tourne, enfouit son visage dans l'oreiller pour chasser cette voix indésirable. Mais l'intrus ne compte pas s'arrêter là et secoue l'épaule de Calith sans douceur, tout en martelant :

 

- Debout la marmotte !

 

D'un geste vif, Calith attrape la main et tire de toutes ses forces sur le bras pour faire tomber l'intrus. S'il n'avait pas eu de bons réflexes, l'importun aurait eu l'épaule démise. Mais des réflexes, l'intrus en a, et pas qu'un peu. Il se laisse tomber sur le roi en souplesse. Et Calith, d'un mouvement vif, le retourne sur le dos et s'affale sur lui en grondant :

 

- Pour qui me prends-tu, manant, à oser me parler de la sorte ?

 

L'intrus se contorsionne pour renverser le roi et s'allonger sur lui. Et il lui répond sans douceur :

 

- Pour un fainéant qui préfère rester au lit au lieu d'assister à une cérémonie très importante.

 

Il tente de lui voler un baiser mais Calith se détourne, lutte et parvient à reprendre le dessus. Un sourire aux lèvres, il lui dit :

 

- Importante, sans doute, mais bien moins agréable que ce que je projette de faire avec toi.

- Ce que TU projettes de faire ? Laisse-moi rire.

 

D'un mouvement d'une force incroyable, il renverse Calith et s'installe sur lui, fixant son regard ébène dans les yeux de son roi, qui lui demande d'une voix boudeuse :

 

- J'ai le droit à un baiser, au moins ?

- Tu essaies de négocier avec moi, roi ?

 

Il lui a attrapé les poignets, sans douceur, et les tient d'une main au-dessus de la tête de Calith, qui laisse échapper un gémissement. De douleur, bien sûr, suite à la brutale torsion de ses bras, mais de plaisir aussi. Frémissant d'impatience, le roi susurre :

 

- Non. Je suis à toi Iezahel, tout à toi.

- Bien.

 

D'un mouvement rapide, l'esclave lui remonte d'une main le vêtement de nuit qu'il porte, jusqu'au ventre, et défait les lanières de son propre pantalon. Par jeu, Calith remue un peu, se débat faiblement, attisant de la sorte son excitation autant que celle de l'asservi. Et il pousse un cri, de victoire et de douleur, quand le membre de Iezahel le pénètre d'une traite. Mais très rapidement, ses cris deviennent l'expression du plaisir intense qu'il ressent à se faire pilonner de la sorte, sans aucun égard, sans aucune douceur. Il ne se débat plus, Iezahel pourrait même lâcher ses poignets qu'il ne les bougerait pas. Il s'abandonne complètement aux mouvements experts de l'esclave, lui donnant carte blanche, lui laissant tous les droits sur son corps.

 

Comment Iezahel a-t-il su que c'était tout ce qu'il voulait, ce matin ? Ne plus être celui qui guide, celui qui décide, celui qui prend la responsabilité. Mais être celui qui reçoit, en toute sérénité, sans avoir à s'inquiéter des répercussions de ces décisions. Alors il lâche prise, Calith, tout en confiance, et laisse l'esclave s'occuper de lui. Ce sont soudain deux lèvres voraces qui s'emparent sans douceur des siennes, l'embrassent à lui faire perdre haleine, A l'image des va-et-vient, le baiser est puissant, envahissant, possessif. C'est Iezahel, désormais, qui porte le fardeau. Lui, il tombe les masques et se laisse faire. Et il savoure chaque instant, chaque seconde, ce délicieux chemin qui mène à la jouissance. Et il hurle, soudain, de toutes ses forces, quand l'orgasme surgit et anéantit tout sur son passage.

Iezahel s'est laissé tomber sur lui, victime de ce même raz-de-marée. Ils reprennent leur souffle, savourant cet état de grâce, dans les bras l'un de l'autre.

 

Il peine un peu à respirer, Calith, avec l'esclave somnolant sur lui. Mais il est heureux. Il est heureux d'être dans les bras de celui qu'il aime. Il en a fallu, du temps, pour que Calith lui accorde pleine confiance. Au fil des jours et des semaines, Calith a admis que l'esclave pouvait l'aimer d'amour véritable, sans calcul, sans intérêt, sans comédie. Juste pour lui, pour ce qu'il est. C'est Loundor, qui lui a ouvert les yeux. En admettant, à contrecœur, qu'il arrive bien, parfois, qu'un loup-garou puisse être attiré par une personne du même sexe. Mais c'est très rare, et puis, en arrangeant un peu la vérité, le Général s'assurait que Calith ne rôde pas autour de ses loups. Et Loundor lui a fait comprendre une partie des raisons de sa méfiance. D'abord prince héritier, puis roi, Calith n'a toujours connu que des personnes qui venaient à lui par obligation ou par intérêt. Comment admettre que soudain, un inconnu puisse s'intéresser à lui pour ce qu'il est, et non pour ce qu'il représente ?

 

Et lui... Eh bien, lui, il l'aime chaque jour un peu plus. Sa force de caractère lui inspire un immense respect. Cet homme, privé de liberté, souillé, torturé, va de l'avant. Il ne se lamente pas, il ne revient pas sur ce qu'il s'est passé, mais savoure chaque instant de cette nouvelle vie pleine de bonheur. Quand il est réveillé. La nuit, Calith veille sur son sommeil, apaise ses cauchemars d'un baiser, d'une caresse ou d'un murmure apaisant.

 

Ils n'ont jamais reparlé du chef de patrouille, victime d'un mystérieux accident. Il n'est pas dupe, Calith, pas un seul instant. Il se doute bien, avec une quasi certitude, que Iezahel n'est pas innocent dans cette affaire. Il n'ignore pas que Iezahel voulait se venger de cet homme qui l'a vendu au bourreau. Inutile qu'ils en parlent, ça relève du bon sens, pour Calith. Pire, s'ils en parlaient, il faudrait songer à la sanction. Préméditer la mort de quelqu'un, c'est grave. Passer à l'acte, plus grave encore. Mais le roi ne peut pas blâmer son amant pour cet acte. Il l'aurait fait, lui, s'il avait su, s'il avait pu. Alors il ne pose pas de questions, accepte sans un mot ce doute pour ne pas avoir de certitude, pour ne pas avoir à décider. Si le crime n'existe pas, pas de châtiment.

Blotti tout contre son amant, le roi sommeille, savourant sa chaleur. Le lit s'est parfumé des douces odeurs de la forêt, piètre consolation après une nuit passée seul, alors que l'esclave était devenu loup. Qu'il aime ces retrouvailles ! Alors il laisse échapper dans un murmure :

 

- Je voudrais pouvoir passer la journée dans tes bras.

- Ta femelle t'attend. Et une femelle pleine n'a aucune patience.

- Pour les humains, on dit une femme enceinte, idiot !

- Détail.

 

Il y a, dans la voix de l'asservi, une variation infime, à peine audible pour qui ne le connaîtrait pas, qui pousse Calith à le serrer fort contre lui et à lui murmurer au creux de l'oreille :

 

- C'est toi que je t'aime, tu le sais bien.

 

Seul un grondement sourd lui répond. Iezahel est toujours un taiseux. Mais le roi le connaît suffisamment maintenant pour savoir décrypter ses silences. Là, il sait que Iezahel lui répondrait bien volontiers que même si c'est lui qu'il aime, c'est avec elle qu'il parade, c'est avec elle qu'il passe certaines nuits, c'est avec elle qu'il fait croire à leur amour. Et lui, l'esclave garde du corps, reste en retrait, à quelques pas à peine de Zélina de Brevont et de son époux. L'ombre, invisible, insignifiante. Ils n'en ont jamais parlé entre eux, trop conscients que la discussion serait stérile. Calith ne pouvait pas échapper à un mariage et devait à tout prix donner un héritier à Pieveth. Et au final, cet accord leur permet de se voir chaque soir, de dormir ensemble la plus grande partie du mois. Et c'est déjà tellement inespéré...

 

- Allez, lève-toi, tu dois te préparer !

 

Obéissant, Calith s'extirpe du lit à regrets, pour aller faire un brin de toilette. Puis, aidé par son amant, il enfile sa tenue d'apparat. Iezahel aussi, a fait un effort vestimentaire, et c'est avec dignité qu'il conduit Calith auprès de Zélina. Solennel, le couple royal rejoint la cour d'honneur, au pied du château, où une foule compacte attend les festivités.

 

 

 

 

Le soleil de cette fin septembre fait régner une douce chaleur sur les lieux, et un calme tout relatif salue leur entrée. Loundor, sa femme et ses enfants sont présents, bien sûr, non loin d'Elihus et de Nala, la belle Nala revenue victorieuse de ses missions diplomatiques. De nouveaux accords commerciaux ont été conclus, et une paix relative règne avec les royaumes voisins. Rien n'est parfait, pourtant, car il reste toujours des querelles, des décisions délicates à prendre, des peuples qui souffrent. Mais près d'un an s'est écoulé depuis qu'il est arrivé au pouvoir et bien des choses se sont arrangées depuis. La plus belle preuve est cette foule, massée dans la cour, qui dévisage son roi avec une quasi-vénération qui le met mal à l'aise.

 Le cor résonne soudain entre les murs et le silence se fait total. Calith, aussi majestueux que possible, prend la parole :

 

- Peuple de Pieveth, sois le bienvenu à cette célébration ! Les dernières vendanges sont terminées, et j'ai l'immense honneur de vous informer que nos greniers sont pleins à craquer !

 

Calith laisse passer un moment, le temps de l'explosion de joie. Le peuple a souffert, l'hiver dernier, et cette nouvelle annonce un hiver bien plus clément. Il a tout fait, Calith, dans l'ombre, pour trouver suffisamment de semis, pour fournir de bons outils, pour envoyer des hommes dans les champs. Tout, pour que son peuple puisse manger à sa faim. Alors il contemple la foule en liesse avec un sourire sur le visage, et savoure l'instant. Lorsque le silence retombe enfin, Calith reprend la parole :

 

- C'est grâce à vous, grâce aux efforts que vous avez fourni et grâce à votre travail acharné que nous pourrons passer l'hiver sans problème. Et je tiens à vous en remercier !

 

A nouveau, acclamations et vivats de la foule le font taire. Parce que fournir les semis ne fait pas la récolte, c'est surtout aux travailleurs qu'il doit cette sécurité. Il en est conscient, et pour une fois, il tient à ce que les hommages leur reviennent. Ces hommes et ces femmes, courbés par le travail, à la vie dure, méritent tous les honneurs.

 

Elihus se chargera, plus tard, des questions d'ordre pratique pour distribuer les provisions. Pour l'heure, seule la fête compte. D'un ample geste de la main, le roi fait signe à son peuple de prendre place le long des immenses tables dressées pour l'occasion. Aujourd'hui, les plats déborderont, et l'alcool coulera à flots.

D'un geste tendre, Calith passe la main dans le dos de Zélina et la conduit vers leur table. Ils discutent longuement, se souriant, se frôlant la peau, sous le regard attentif des convives. Il n'a pas besoin de feindre cette affection : son union avec Zélina remonte déjà au printemps, et il l'apprécie réellement. Elle est intelligente et drôle, toujours disponible pour lui. Pourtant, leur relation est claire : s'ils apprécient le temps passé ensemble, leurs coeurs battent pour d'autres. Ils n'en font pas de mystère, ils ne se le cachent pas. Mais personne, à la cour ou dans le peuple, ne se doute de la supercherie. Et le ventre, de plus en plus rebondi, de la reine prouve, s'il le fallait, qu'ils consomment leur amour. Pourtant, à ce moment, alors qu'il caresse le grain de peau si fin de la reine, Calith devine le détachement feint de Iezahel, son regard rivé ailleurs, n'importe où mais loin du couple royal.

 

L'esclave reste en retrait, tandis que les plats défilent sur la table, que les conversations s'animent et que les rires retentissent. Parmi les soldats attablés, Calith distingue Jérémias. Il a acquis une assurance toute nouvelle, portée par l'amour inconditionnel que lui voue Lanen. Il éclate de rire à une plaisanterie, faisant sourire le roi. D'après Loundor, Jérémias a trouvé sa place parmi les soldats, et plus aucun d'entre eux ne s'amuse à se moquer de lui. Quelques coups de poing bien placés ont assuré un respect tout neuf au soldat. Il ne cache pas sa relation avec Lanen, même s'il ne la crie pas sur tous les toits. Et les autres soldats l'acceptent sans broncher. Lanen, lui, va bientôt terminer son rôle au service du fils du Comte. D'après Voinon, ce dernier est ravi d'avoir un si bon esclave à disposition, et tente de le garder auprès de lui. Mais Calith refuse de changer sa sentence, et, dès le milieu de l'hiver, Lanen s'occupera de la caserne. Et sera plus proche que jamais de son amant.

 

 

Les heures défilent. Ce sont maintenant des chansons grivoises qui résonnent contre les murs du château. Les reliefs du repas traînent sur les tables tandis que l'alcool, lui, coule toujours. Zélina est fatiguée, et Calith saute sur l'occasion pour prendre congé. Les festivités se poursuivront sans doute jusqu'au milieu de la nuit mais sa présence n'est pas indispensable. Alors il raccompagne son épouse jusque dans sa chambre, Puis il entraîne Iezahel dans ses appartements où ils pourront, enfin, se serrer dans les bras l'un de l'autre et se murmurer au creux de l'oreille tout l'amour qu'ils ont l'un pour l'autre.