VEF Blog

Titre du blog : Histoires yaoi
Auteur : histoiresyaoi
Date de création : 31-05-2013
 
posté le 08-10-2013 à 12:03:52

Iduvief, chapitre 7

 

 

 

 

 

 

Lorsqu'ils pénètrent dans la chambre, ils sont tous en état d'ébullition. Les soldats et Calith, prêts à reprendre la route dans l'heure, passablement inquiets pour ceux qu'ils ont laissé derrière eux. Mais Iezahel et Loundor semblent plus perplexes qu'affolés. Loundor les fait tous rentrer dans leur chambre, ferme soigneusement la porte, et demande à Calith de lancer un sort sur la serrure, ainsi qu'un sort pour s'assurer que nul n'entendra leur conversation. Intrigué, le roi s'exécute, avant de lancer un regard interrogateur au Général, qui explique :

 

- Nous n'allons pas rentrer à Pieveth tout de suite. Elle nous a menti à plusieurs reprises. Asseyez-vous.

Asaukin, Nyv', Calith et Loundor prennent sagement place sur les lits, tandis que les jumeaux et Iezahel tirent les malles et s'assoient dessus. Le conseil de guerre peut commencer, et c'est le Général qui attaque :

- Elle nous a menti en déclarant qu'elle ignorait que nous étions présents. Elle savait depuis hier que nous étions entre leurs murs.

- Mais pourquoi prétendre le contraire ? Demande Asaukin

- Si seulement je savais... Peut-être pour nous montrer que nous ne sommes pas ici en territoire conquis. Ou peut-être pour gagner du temps.

- Alors Severin sera puni pour une faute qu'il n'a pas commise ?

 

Loundor jette un regard peiné à Calith, auteur de la dernière question, et acquiesce sombrement :

 

- Et tu l'as vu, je n'ai pas pu la dissuader de l'épargner. C'est le prétexte parfait pour son mensonge : il ne peut pas se défendre, et nous aurions tendance à la croire elle plutôt que lui. Tu penses, la parole d'un esclave contre la parole de la Maîtresse des lieux...

- Et ne pas le châtier aurait attiré l'attention : faire preuve de trop de clémence pour une faute aussi grave serait suspect.

- Exactement Nyv' ! D'autant qu'elle a bien des choses à cacher. Elle n'a pas menti en prétendant que son père est mort, mais elle l'a fait en nous assurant qu'il n'y a aucun problème ici. J'ignore ce qu'il se passe, mais il se trame quelque chose.

 

Les mines deviennent sombre, dans la petite chambre, et Iezahel poursuit :

 

- Elle n'a pas menti en disant que la missive ne provenait pas de son père, mais elle ne croyait pas réellement qu'elle avait pour but de nous écarter de Pieveth. Je suis convaincu qu'elle doit actuellement être en train de remuer ciel et terre pour découvrir l'identité de celui qui nous a attiré ici. Car c'est quelqu'un du château, assurément, au fait des évènements, capable d'imiter assez bien l'écriture d'Artéus pour leurrer Loundor et le connaissant suffisamment pour être au courant de cette amitié.

- Et elle nous a menti en affirmant qu'ils manquaient de place au château, ajoute Loundor. Je suis déjà venu ici plusieurs fois, cette partie est réservé aux plus basses catégories sociales qui viennent séjourner ici. Elle sait que c'est inconfortable pour nous de partager ces petites chambres. Alors qu'il y a de nombreuses chambres, spacieuses et libres. Il n'y a qu'à voir le peu de personnel, et d'invités, que nous croisons.

 

Les déclarations des loups-garous jettent un froid, et tous réfléchissent intensément pour comprendre la situation. C'est Calith qui, empêtré dans ses pensées, tente de résumer :

 

- Nous devons découvrir qui et pourquoi on nous a attiré ici. Et pourquoi Marsylia ne nous a servi que des mensonges lors de cet entretien.

- Je pense que nous devrions aussi essayer de découvrir si la mort d'Artéus était naturelle ou non. S'il s'agit d'un meurtre, le comportement de sa fille s'expliquerait aisément.

- Tu as raison, Iezahel : elle n'aurait aucun intérêt à nous voir fouiner de partout si elle est responsable de la mort de son père. Et les Dieux savent qu'hériter d'un tel fief peut être un mobile suffisant pour tuer son propre père.

 

Loundor secoue la tête, la peine se lisant clairement sur son rude visage. Artéus était un ami, et sa mort le chagrine visiblement. Le comportement de sa fille ne doit pas être étranger à cette peine, non plus. Mais le Général reprend le dessus et ordonne :

 

- Ishan, Shorys, faites ce que vous connaissez le mieux : séduisez domestiques et esclaves pour obtenir leurs confidences, sur l'oreiller ou non. Nyv', je compte sur toi pour découvrir qui vit dans le château, tendre l'oreille et lister toutes les issues possibles. Asaukin, ta trogne de vétéran est idéale pour nouer des liens avec les gardes du château. Vois combien ils sont, quel est leur niveau, et récolte autant d'informations que tu peux. Soyez extrêmement prudents. Nous avons gagné quelques heures, pour le moment, alors je n'attends pas de vous des rapports très précis. Je veux, par contre, que vous soyez discrets : ne vous faites pas remarquer, ne posez pas de questions : orientez-les pour les faire parler sans en avoir l'air. Arrêtez-vous avant qu'ils deviennent méfiants. Nous ne devons pas attirer l'attention. Soyez discrets.

 

Les quatre soldats se lèvent d'un même mouvement, et quittent la pièce, une fois que Calith a retiré le sort de la serrure, pour se déployer dans le château. Le manque d'activité les aurait rendu fous.




Lorsque Calith revient s'asseoir, Iezahel est en train de faire chauffer de l'eau, sans doute pour lui préparer une infusion. La douleur dans sa gorge n'a jamais vraiment disparu, mais elle est largement supportable et ne l'empêche plus de parler. Il ne doute pas, par contre, que son amant n'acceptera aucun refus de sa part. Après tout, autant de débarrasser de cette angine rapidement. Ils ont bien plus important à gérer. Loundor, les coudes sur les cuisses, reprend la parole :

 

- Tu ne dois pas t'inquiéter pour Pieveth, Calith. Mon Bêta est de toute confiance, et il sait parfaitement ce qu'il doit faire. Ce n'est pas parce qu'il manque sept guerriers que le château va être pris d'assaut. Zélina, Mahaut, Elihus, ma famille... ils ne risquent rien de plus que d'habitude. Par contre, nous, ici, nous sommes bien plus vulnérables. Artéus était un ami très cher, et je refuse de quitter les lieux sans savoir comment il est mort, et ce qu'il se trame ici. Je ne peux pas laisser son fief entre de mauvaises mains, même si j'ai vu grandir sa fille.

 

Ses propos ont pris cet accent que Calith a appris à reconnaître : rien ne le fera changer d'avis. Et à vrai dire, il ressent la même chose : l'accueil, qu'ils espéraient tous chaleureux, est froid, et leur présence à peine désirée. Il se manigance des choses, entre ces murs, et son devoir royal est d'y mettre un terme. Et sa curiosité le pousse à découvrir le fin mot de l'histoire.

 

Il comprend également pourquoi Loundor s'est laissé parler de la sorte : il a vu Marsylia grandir. En apprenant que ce serait elle qui les recevrait, il a dû se douter de la mort de son père. Sa docilité s'explique aisément, alors : il ménageait une femme en deuil. Et puis, toute brute qu'il est, Loundor a conscience que parfois, il vaut mieux laisser venir les choses, plutôt que de taper du poing pour les avoir. On en apprend beaucoup, sous la spontanéité. Que Calith dévoile son identité, que Loundor use de son autorité, et ils auront des résultats. Sans doute. Mais biaisés par la servilité, la diplomatie ou encore la flagornerie. Mais tant qu'ils demeurent des gens du commun, les résidents du château ne porteront pas de masque.

Tandis que Iezahel s'affaire autour du brasero, le roi demande à Loundor :

 

- Comment l'as-tu rencontré, Artéus ?

- A l'armée. Je venais de découvrir que...

 

Il s'arrête soudain, regarde Iezahel et réalise que l'esclave ne connaît pas grand-chose de son passé. Il passe alors une main dans ses cheveux hirsutes, et reprend depuis le début :

 

- En fait, j'étais le second fils de ma famille, alors on m'a envoyé à l'armée. Mais il y avait pas mal de chemin à parcourir, avant d'atteindre le château le plus proche, et je devais traverser une forêt. Mon père était bûcheron, alors la forêt ne me faisait pas peur, je me méfiais bien plus des grandes voies trop fréquentées. J'avais tort. J'ai été attaqué par une meute de loup, et retrouvé à moitié mort par un couple de fermiers. Tu es loup-garou de naissance, Iezahel ?

 

L'interpelé sursaute, et braque son regard dans celui du Général. Il n'avait pas réalisé que cette introduction lui était destinée : Loundor n'hésite pas à parler de choses sensibles en sa présence, mais ses paroles sont rarement destinées à Iezahel. Le fait qu'il lui parle, là, d'évènements que Calith connaît déjà est une manière, bien à lui, de l'inclure dans un cercle fermé d'intimes. Et le sourire qui éclot sur les lèvres de l'esclave montre à quel point cette attention le touche. Alors, il répond :

 

- Oui, mon père l'était. J'ai commencé à me transformer très jeune, dès que mon corps a pu le supporter. C'était naturel. Et il y avait quelqu'un pour m'expliquer ce qu'il se passait.

- Une chance que je n'ai pas eue. Ces braves gens m'ont soigné, m'ont nourri et m'ont remis sur pied. Ils prétendaient que j'avais une chance inouïe d'avoir survécu à cette attaque. Mais quand, deux jours après les avoir quitté, je suis devenu une bête sauvage, je ne partageais plus leur conviction. J'ai passé les trois nuits de la pleine lune dans les bois, seul, terrorisé. Je ne comprenais pas ce qu'il m'arrivait, je ne gardais quasiment aucun souvenir de ce qu'il se passait quand j'étais loup. Bien sûr, j'avais entendu parler des loups-garous, mais j'ignorais tout d'eux, et j'ignorais tout de ce qu'il se passait en moi.

 

Iezahel tend un gobelet fumant à Calith, l'infusion, et il l'accepte avec le sourire. Puis l'esclave va prendre deux chopes, qu'il a gardé du déjeuner, et les remplit d'eau fraîche : il en tend un à Loundor, avant d'un prendre un pour lui. Le Général le remercie et prend une longue gorgée avant de replonger dans ses souvenirs :

 

- Puis, après la pleine lune, tout s'est arrêté. J'avais toujours la sensation qu'il se passait des choses étranges, en moi, et je m'ouvrais à mes nouvelles perceptions, sans trop m'en rendre compte ni m'en réjouir. Mais je devais avancer, je devais rejoindre l'armée, et pour me rassurer, j'ai mis sur le compte d'une rechute passagère ces quelques nuits étranges. J'ai intégré l'armée, où j'ai rencontré d'autres novices, dont Artéus. Il était venu, lui, pour peaufiner son maniement des armes, et apprendre la stratégie militaire, en prévision de son rôle ici. Mais il était très simple, et ne se prenait pas au sérieux. Son rang ne l'épargnait ni des corvées, ni des entraînements, et il acceptait tout sans rechigner. Il se mêlait à nous, sans faire de distinction entre les paysans et les nobles. Nous étions voisins de paillasse, dans le dortoir, et c'est lui, en premier, qui a vu ce qu'il se passait la première nuit de pleine lune suivant mon intégration. Il a eu le bon réflexe, en courant prévenir le sergent responsable de la section lycanthrope. Ce sergent n'était pas un loup-garou, mais il avait l'habitude de les gérer. Artéus a évité un massacre dans le dortoir. Et il m'a cru, quand j'ai clamé haut et fort que je n'aurais pas pu prévenir plus tôt, pour la simple et bonne raison que je ne me savais pas loup-garou. C'était bien le seul.

 

Loundor reprend une longue gorgée d'eau, tandis que Calith sirote son infusion. Iezahel, lui, boit littéralement les paroles de Loundor, et le relance en demandant :

 

- Il y avait une section lycanthrope ? Vous n'étiez pas mélangés ?

- Non, nous étions séparés. Les loups-garous n'étaient pas spécialement bien vus, à l'époque, et le Général ne voulait pas entendre parler de mélanger les humains avec les créatures surnaturelles. Nous étions envoyés en première ligne, car nous résistions mieux et que nous faisions beaucoup de dégâts, mais nous n'avions pas la même considération que les autres. Bien que Pòrr ait pour emblème un loup, trop de massacres avaient eu lieu, au sein de l'armée, à cause de loups qui ne se maîtrisaient pas. On se retrouvait parfois avec les autres, lors des repas ou des douches, et tous nous évitaient... sauf Artéus. Il n'hésitait pas, devant tout le monde, à venir me parler, à prendre de mes nouvelles. Et puis, lors d'une bataille, il s'est retrouvé tout près de moi. Et j'ai tué un ennemi qui allait l'achever d'un coup d'épée. Ça a scellé notre amitié. Nous nous sommes revus, de temps en temps, après qu'il ait quitté l'armée, et nous nous écrivions assez régulièrement. Quand il venait à Pieveth, il me consacrait toujours du temps. Et quand j'étais sur les routes, je faisais toujours un détour pour lui rendre visite. J'ai connu sa femme, il a connu Iris. Elles s'entendaient bien. Quand nous sommes devenus pères, nos enfants jouaient ensemble pendant que nous discutions. C'est lui qui m'a aidé, plus tard, pour faire accepter les loups-garous. Sous son rang de Seigneur d'Iduvief, c'était un homme entier, qui ne se souciait pas du titre d'une personne pour lui parler et qui partageait la même conception que moi de l'amitié.

- Mais alors comment on en est arrivé à avoir un loup-garou Général de l'armée, et les lycanthropes mêlés aux autres sans distinction ?

 

Loundor s'apprête à répondre, lancé dans ses explications, lorsque quelques coups sont frappés à la porte. Calith s'empresse de défaire le sort de la serrure, et alors qu'il ouvre la porte, murmure l'incantation qui annule celui qui leur garantissait que personne ne pouvait les épier. C'est la jeune esclave de ce matin, qui vacille sous le poids du plateau surchargé. L'heure du dîner est déjà arrivée. Calith récupère le butin en la remerciant, et, pris d'une inspiration subite, lui demande de faire venir son responsable dès qu'il sera disponible. Et alors qu'ils prennent chacun leurs écuelles, il explique :

 

- J'aimerais qu'on en ait le cœur net. On pourra interroger Severin sur l'accueil qu'on a reçu hier, savoir à qui il est allé demander que faire de nous.

- Il va donner la même version que Marsylia, répond Loundor.

- Oui, mais vous saurez s'il ment ou non.

- Et après ? Si on l'interroge, il pourra répéter nos questions à quiconque lui demandera. Il pourrait même courir directement tout reporter de lui-même.

- Tu crois qu'il reste loyal à Marsylia malgré le tour qu'elle vient de lui jouer ?

 

Iezahel redresse la tête de son épais potage et prend part à la conversation :

 

- Il n'a pas le choix. C'est un esclave, on ne lui demande pas d'approuver le comportement de ses maîtres, et il n'a pas à éprouver de ressentiment envers eux. Il est en contact avec nous, et si elle lui a ordonné de reporter nos faits et gestes, ainsi que nos questions, il le fera.

- Alors on se contentera de revenir sur l'accusation de Marsylia. S'il souhaite en dire plus, il le fera.

- Il ne le fera pas, Calith, poursuit Iezahel sur un ton désolé. Nous ne sommes que de passage : il ne dira rien à des étrangers qui pourraient lui valoir le mécontentement de la maîtresse des lieux. Il préfèrera subit notre déplaisir que le sien. D'autant que, depuis notre arrivée, il se fait hurler dessus par Loundor, il est forcé de nous montrer son maître ivre mort, et se fait punir pour une faute qu'il n'a pas commise. Pourquoi nous aiderait-il ?

 

Calith laisse échapper un long soupir : Iezahel a raison, bien sûr. L'esclave en noir, infirme et bouc émissaire, lui inspire de la sympathie, mais vu la situation ici, il ne peut se fier à personne d'autre que leur petit groupe. Et effectivement, ils n'ont rien fait qui mérite de prendre le moindre risque pour eux. Il en vient presque à regretter d'avoir fait demander Severin, lorsque celui-ci se présente à la porte.




Loundor, toujours occupé à dévorer son repas, fait signe à Calith de prendre les choses en main. Le roi fait donc entrer l'esclave en noir et ferme soigneusement derrière lui. Iezahel délaisse aussitôt son repas, refait chauffer de l'eau et sort de sa besace deux longues bandes de tissu. Calith le regarde, surpris, se demandant ce qu'il manigance. Mais il se concentre sur Severin, et lui dit :

 

- Ainsi, tu n'as pas informé Dame Marsylia de notre présence ici ?

 

Si l'esclave se tenait déjà vacillant devant eux, il perd tous ses moyens face à cette accusation. Il tremble visiblement, se tord les doigts et tente, malgré tout, de rester immobile. Et après quelques instants de réflexion, il déclare, d'une voix enrouée à peine audible :

 

- Non.

- Qui es-tu allé prévenir de notre présence, alors ?

 

Severin semble pétrifié. Il n'ose pas leur mentir de manière plus détaillée, sachant que deux personnes dans la pièce peuvent le savoir. Mais il ne peut pas laisser la question sans réponse. Alors qu'il semble sur le point de défaillir, Loundor, de sa grosse voix bourrue, ordonne :

 

- Va t'allonger sur le lit. Et enlève ta chemise.

 

Le regard terrifié de l'esclave glace Calith, et il lit, sur ses lèvres, un « non, je vous en prie » inaudible pour un humain. Et c'est vrai qu'entre Iezahel, qui manipule des bandes de tissu pouvant aisément se transformer en liens, Loundor, qui ne s'est pas montré sous son jour le plus sympathique, et la pratique de certains, qui estiment qu'un châtiment insuffisant peut être complété par des services intimes, l'esclave à de quoi paniquer. Sauf qu'il ne les connaît pas.

Il s'exécute tout de même, tremblant de tous ses membres, et s'approche du lit de Calith et Iezahel, celui à gauche. Et il retire, en gémissant de douleur, sa chemise noire, dévoilant un dos lacéré et couvert de sang. Et il s'étend, sans un mot, sur le lit, la joue gauche reposant sur la couverture, des larmes plein les yeux. Iezahel s'approche de lui, l'observe, et lui demande de défaire les liens de son pantalon : les marques du fouet descendent bien au-delà de la ceinture. Severin laisse échapper une larme, mais obéit, et Iezahel, tout en douceur, descend le vêtement jusqu'au bas de ses fesses, elles aussi couvertes de stries sanglantes. Puis il s'accroupit à sa hauteur, essuie ses larmes d'un geste tendre et murmure :

 

- Tu risques des ennuis si on te soigne de manière visible ?

 

Il écarquille les yeux, Severin, trop surpris pour répondre dans un premier temps, avant de balbutier un « non » à peine audible. Alors Iezahel apporte près du lit le brasero et la cuvette d'eau tiède, puis un seau vide qu'il renverse pour s'asseoir dessus. Et méthodiquement, pendant de longues minutes, il nettoie chaque lacération, chaque traînée de sang. Loundor continue à manger, imperturbable, même si Calith n'est pas dupe : les évènements de la journée l'ont secoué. Lui, il regarde la tendresse dont fait preuve Iezahel, hypnotisé par le ballet incessant de la bande de tissu qui se colore trop vite de rouge avant de plonger dans l'eau chaude. Et c'est lui qui, lorsque Iezahel a terminé le premier nettoyage, va vider la cuvette remplie de vermeil pour remettre de l'eau à chauffer, tandis que Iezahel, tout en douceur, essuie le dos mutilé. Lorsqu'il a terminé, Iezahel demande :

 

- Tu es attendu ?

- Normalement non, ma journée est terminée.

- Parfait, tu vas rester un moment avec nous alors.

 

Les poings crispés sur la couverture, Severin le dévisage. S'interroge-t-il à propos de cet esclave qui prend des décisions sans même demander à son maître ? Se demande-t-il ce que cache tant de compassion ? Mais Iezahel poursuit, d'une voix toujours aussi prévenante :

 

- Ce châtiment, c'est uniquement le fouet ?

- Non. La pénitence aussi.

- La pénitence ?

 

L'infirme ferme les yeux une seconde de trop avant de basculer lentement sur le flanc. Autour de son sexe raide, un anneau de métal enserre la base du gland, Calith fronce les sourcils, ne comprenant pas en quoi un anneau de chasteté est une pénitence, jusqu'à ce qu'il remarque la fine tige de métal qui se recourbe jusqu'à disparaître dans son sexe.

Severin, les joues rouge brique, explique dans un murmure :

 

- Ça bloque mon urine. Je ne peux pas me soulager quand j'en ai besoin. Je n'ai le droit d'aller voir le mage que tôt le matin et dans la soirée, pour qu'il me délivre. L'envie, toute la journée, est un moyen de me rappeler constamment ma faute pour que j'expie.

- Mais ce soir ?

- Pas ce soir. Interdit. Je n'ai le droit d'aller le voir que demain matin.

- Et si tu y vas quand même ?

- La pénitence est rallongée d'un mois.

- Tu as pu te soulager avant que le mage installe la pénitence ?

- Il m'a demandé si j'avais besoin. Il est gentil, il fait toujours en sorte qu'on soit vide quand il la met. Mais Florain lui a ordonné de la placer immédiatement, il a dit que ça m'apprendrait.

- Et là, tu as envie ?

- Je crois que ma vessie va exploser.

 

Iezahel, qui mène la discussion, jette un regard à Calith, interrogateur. Et Calith hoche doucement la tête : il imagine sans peine la brûlure que l'esclave ressent toute la journée et il devine aisément l'humiliation qu'il doit ressentir à aller demander d'être délivré pour un acte si intime. D'autant qu'il doit sans doute uriner devant le mage, et qu'il ne doit pas pouvoir profiter longtemps du soulagement avant que la pénitence ne soit remise en place. Iezahel reprend :

 

- On va te l'enlever.

- Oh non ! Non !

 

Severin, d'un geste brusque, se rallonge sur le ventre, faisant saigner quelques marques dans son dos. Paniqué, il leur avoue :

 

- La tout première fois que j'ai eu ce châtiment... Enfin, c'était tellement insupportable que j'ai voulu l'enlever tout seul. Mais c'est magique ! J'ai eu le temps de déplacer l'anneau de quelques millimètres, à peine. Puis des pointes ont jailli à l'intérieur de l'anneau, et il s'est resserré. Je saignais et mon... enfin... Je ne pouvais rien faire, et je n'avais pas le droit d'aller voir le mage. Quand j'ai enfin pu y aller, le bout était violet foncé et j'ai perdu conscience quand il l'a enlevé. Il ne m'a pas puni, il n'a rien dit à personne, mais je n'ai jamais recommencé.

 

Calith, la gorge nouée, tente de le rassurer et lui ordonne de se remettre sur le flanc. Et Severin obéit, conditionné par une vie d'esclavage. Iezahel lui cède sa place, alors il s'installe sur le seau, observe l'anneau, non sans remarquer les stries blanches qui ornent le gland, vestiges de sa tentative malheureuse. Il effleure l'anneau du bout des doigts, ignorant le sursaut de l'esclave, s'imprègne de la magie avant de murmurer l'incantation adéquate. Prudemment, il tente de faire glisser l'anneau, mais un gémissement de douleur jaillit au moment où les chairs s'ouvrent, laissant sortir une tige épaisse, bien trop épaisse, du sexe torturé. Ses mains tremblent trop pour qu'il puisse poursuivre sans le blesser davantage. Iezahel se glisse près de lui et, après avoir placé un linge sous le sexe, retire la pénitence avec mille précautions. Calith, le cœur au bord des lèvres, regarde la tige sortir, sans fin. Car il s'attendait à une tige très courte, juste suffisante pour bloquer le méat. En réalité, la tige est longue d'une quinzaine de centimètres et explique pourquoi le sexe était raide. Loundor, pâle comme la mort, se lève en vacillant et marmonne qu'il doit partir. Calith lui jette à peine un regard, avant de reporter son attention sur le visage de l'esclave, crispé de douleur. Quelques gouttes s'échappent de son sexe avant qu'il ne parvienne à se contrôler. Les deux amants s'écartent du lit, et l'esclave quitte le lit et se précipite, malgré la claudication, jusqu'au pot de chambre.

 

Calith pose une main compatissante sur l'épaule d'un Iezahel éprouvé et ils échangent un long regard, comme pour se donner mutuellement du courage, le temps que Severin se soulage.

Lorsqu'il revient près du lit, son visage est baigné de larmes et crispé par la souffrance. Il se tient gauchement devant eux, ignorant ce qu'il doit faire désormais. Iezahel le surprend en posant délicatement un baiser sur sa tempe et en murmurant :

 

- Je suis désolé, je n'ai rien pour apaiser la brûlure.

 

Severin, rassemblant dignité et maîtrise de soi, se contente de hocher doucement la tête. Iezahel va chercher un pot d'onguent dans sa besace, et en répartit une grosse noisette sur la tige avant de remettre, sans trembler, la pénitence en place. Severin supporte la douleur, stoïque, puis Calith ensorcèle à nouveau l'anneau, révolté mais bien conscient qu'ils ne peuvent rien faire d'autre.