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Titre du blog : Histoires yaoi
Auteur : histoiresyaoi
Date de création : 31-05-2013
 
posté le 24-11-2013 à 23:19:47

Iduvief, chapitre 13

 

 

 

 

 

 

Asaukin les accompagne, en tant que garde du corps, puisqu'il n'a aucune raison de garder des appartements déserts. Les hommes de Florain, devant le logement de Marsylia, les saluent très respectueusement et les font rentrer immédiatement.

Cette fois encore, la vieille nourrice va chercher les enfants devant la cheminée, puis s'incline révérencieusement devant Calith, avant de quitter la pièce. Marsylia les attend, proche de la fenêtre, et se précipite vers eux, faisant preuve d'humilité lorsqu'elle se prosterne devant son roi.

 

- Je voulais vous présenter mes plus humbles excuses, Votre Majesté, concernant mon comportement.

 

Mais si l'intermède a permis à Calith de se détendre, il n'oublie rien, aussi demande-t-il, sans commenter ces excuses :

 

- Vous n'avez convié personne ?

- Si, bien sûr, Votre Altesse. Si vous voulez bien me suivre.

 

Elle se redresse, mortifiée, et les conduit dans son cabinet de travail. Une large table ronde, des chaises confortables, une écritoire et d'innombrables parchemins meublent les lieux. Florain et Ketil sont déjà installés, et se lèvent vivement pour saluer leur souverain comme il se doit.

 

- J'implore votre pardon, Votre Majesté, pour..., tente Ketil.

- Il suffit. Commençons.

 

L'ordre a claqué, et Ketil se tasse sur lui-même en bredouillant des excuses. Calith imagine sans peine à quel point le médecin, si prompt à l'obséquiosité face aux puissants, doit être mortifié à l'idée d'avoir si mal traité son roi. Mais ce qui est fait est fait, et les excuses n'y changeront rien. Marsylia, Florain, Ketil, Loundor et Calith prennent place autour de la table, tandis qu'Asaukin reste devant la porte, et Iezahel, un pas derrière la chaise de son compagnon. La table est vierge de tout document, seul un plateau, chargé de coupes, de bols et de bouteilles, trône en son centre.

Calith a donné le ton de la rencontre, et c'est donc avec servilité que Marsylia déclare :

 

- J'ai réuni le médecin du château, Ketil, que vous connaissez, ainsi que Florain, le responsable des gardes. Égeas n'était pas... disponible.

- Je suis au courant, oui. Que comptez-vous faire, à son sujet ?

 

Marsylia marque un temps d'arrêt, surprise. Elle ne pensait pas que Calith irait jusqu'à s'immiscer dans la gestion des conseillers d'Iduvief. Mais elle est bien consciente qu'elle n'est plus en position de protester, aussi se contente-t-elle de répondre :

- Le problème d'Égeas est insoluble. Mon père l'estimait beaucoup, mais je ne peux pas me permettre de le garder, j'ai besoin d'un conseiller plus disponible. Au printemps, quand la neige aura fondu, nous accueillerons un nouveau conseiller, qui sera formé par Égeas, autant que possible. La gestion d'Iduvief comporte bien des particularités, et c'est le seul moyen pour que ce remplaçant les apprenne.

 

Severin en sait autant, sinon plus qu'Égeas, étant donné qu'il pallie aux indisponibilités du conseiller. Mais il est bien évidemment hors de question de lui reconnaître ça. Calith peste en lui-même, détestant ces mentalités, mais n'en souffle pas un mot et se contente de dire :

 

- Très bien. Je suppose que nous pourrons faire sans lui.

- Cela fait bien longtemps que nous faisons sans lui. Il est compétent, et nous a apporté de brillantes suggestions concernant le problème que nous rencontrons, mais nous ne pouvons pas réellement nous fier à lui. Son absence ne sera pas un frein, Votre Majesté.

- Et vous n'avez pas convoqué de mage ?

- Non, Votre Altesse, Filraen ne nous serait d'aucune utilité dans l'affaire qui nous concerne. À supposer qu'il en ait pour quelque chose.

Calith hoche doucement la tête, peu étonné par le mépris dont fait preuve la jeune femme. Un puissant s'entoure, en général, de quatre personnes, en qui il a toute confiance : un médecin, un conseiller, un homme d'arme, et un mage, du moins, quand les mages étaient plus nombreux. Tout comme Égeas, il est fort probable que Filraen se voit poliment remercié à la fin de l'hiver. Calith, en posant une question somme tout logique, tenait avant tout à connaître l'opinion de Marsylia concernant le mage. Le voilà fixé. Il lui déclare donc :

 

- Dans ce cas, vous allez pouvoir nous exposer le problème.

 

Marsylia fait signe à Florain de poursuivre. L'homme ne s'est pas changé, contrairement à Marsylia et Calith, et ne fait preuve d'aucune déférence, ne regarde même pas son Roi, quand il débute :

 

- Nous sommes confrontés à une série de morts, dont nous ignorons la nature. Iduvief abrite environ deux cents personnes, en hiver, et les décès ne sont pas rares. Mais depuis le mauvais temps, nous sommes confrontés à une série, qui nous laisse à penser que la main de l'homme n'y est pas totalement étrangère. Le premier trépas n'a pas grande importance, c'est celui d'une esclave morte en couche. C'est un désagrément financier, évidemment, mais nous le considérons comme naturel.

 

Calith sent, dans son dos, Iezahel se crisper. Il devine pourtant qu'il a gardé un visage impassible, et, de toute façon, personne ne lui a jeté le moindre regard depuis son entrée. Calith inspire, puis se concentre à nouveau sur les propos de Florain.

 

- Nous considérons que le second décès de la saison est le premier de la série. Nalek était notre cuisiner en chef : homme libre, il s'était présenté au château dès l'âge de raison, pour entrer en apprentissage. C'était un homme qui nous donnait entière satisfaction, il cuisinait merveilleusement bien et savait varier les plats. Il a été retrouvé mort, dans la cuisine, par ses commis. Puis c'est Yorell, l'époux de Dame Marsylia, qui s'est écroulé, en revenant de la chasse. Enfin, nous n'excluons pas que le décès du Seigneur Artéus fasse partie de cette série.

Calith, la bouche sèche, jette un regard inquiet à Loundor. Mais le Général devait s'en douter, car il tressaille à peine à cette annonce : il n'a jamais exclu la possibilité qu'Artéus ait été tué. Florain semble en avoir terminé, car il commence à servir cinq coupes de vin aux épices, qu'il tend ensuite, en toute simplicité, aux personnes autour de la table. Marsylia, pâle, écoute sans broncher, malgré tout ce qu'elle doit ressentir à la simple évocation de son mari. Pendant ce temps, Ketil se lève et très respectueusement, déclare :

 

- Les corps ne présentaient aucune blessure, aucune trace de coup, aucune marque de strangulation. Nalek était âgé d'une quarantaine d'années, et de constitution aussi robuste que le vénérable Général Loundor. Il ne venait que très rarement me consulter : dans son métier, il se coupait parfois mais savait se soigner. Il ne poussait ma porte que lorsque la brûlure, ou la plaie, nécessitait un expert. Il ne tombait jamais malade, ne se plaignait d'aucune douleur. Yorell était dans le même cas que lui, un homme dans la force de l'âge, rarement malade. Le fait qu'ils tombent, de la sorte, sans aucun signe avant coureur pourrait laisser à penser qu'il s'agit d'un poison. Ils avaient les yeux exorbités, et la bouche ouverte, certes, mais leur teint était rosé. Depuis le temps que j'officie, je commence à m'y connaître, en poison, croyez-moi. Mais rien de tout ça ne m'est familier. Si ils ont été empoisonnés, c'est par quelque chose que je ne connais pas. Or, sans me vanter, ma longue expérience me permet de connaître énormément de choses.

 

Calith sirote lentement son vin, observant d'un air impassible le médecin qu'il commence à ne plus supporter. Il jette un regard discret à Loundor, qui semble, pour quiconque le connaît suffisamment, prêt à égorger Ketil, malgré son expression indéchiffrable. Ketil, drapé de son orgueil, ne se rend compte de rien et poursuit :

 

- De plus, comme l'a souligné ce cher Florain, nous hésitons à inclure notre bien-aimé Seigneur Artéus dans cette liste : il était certes en bonne santé, et son angine n'aurait pas dû être fatale. Cependant, le décès n'a pas été rapide, loin de là, au contraire des deux premiers.

- Donc si je comprends bien, ces morts vous inquiètent, mais vous n'êtes pas sûrs qu'il s'agit de meurtres ?

 

Les trois hochent doucement la tête, un peu penauds. Loundor, pour la première fois depuis le début de la discussion, prend la parole :

 

- Si j'avais été sur place, juste après la mort, j'aurais peut-être pu sentir l'odeur du poison, s'il s'agit du poison. Là, ils sont tous enterrés, je ne peux rien faire.

- Qu'avez-vous fait, pour tirer ça au clair ? Demande Calith, perplexe.

- J'ai cherché dans tous mes manuscrits, dans tous mes ouvrages de référence, et ce fut un travail de longue haleine : j'ai collectionné une importante quantité de documents, au fils des ans. Mais je n'ai trouvé aucune trace d'un poison ayant pour effet ceux que je vous ai cité, Votre Altesse.

- Quant à moi, j'ai interrogé tous mes gardes, ils n'ont rien vu de suspect. Aucun étranger dans le château. J'ai fait interroger tous les proches des personnes décédées, mais elles n'avaient rien à nous apprendre. Sur ordre du Seigneur Artéus, j'ai également demandé à mes hommes de chercher les raisons qui pousseraient un meurtrier potentiel à s'en prendre à ces victimes. Mais là encore, personne ne pouvait imaginer qu'on en veuille à leur vie.

- Mon père a cherché du côté de mon défunt époux. Égeas avait suggéré la possibilité que Nalek ne soit mort que pour tester le poison. C'était une bonne idée, car un cuisinier ne représente pas grand-chose, dans un château. J'entends par là qu'il est certes appréciable d'avoir un homme capable de gérer une cuisine et de ravir les invités, mais c'est bien loin de l'importance d'un homme tel que mon mari. Je suis la seule enfant qu'ait eu mon père, et depuis mon plus jeune âge, j'ai été préparé à lui succéder, un jour. Yorell était issu de la lignée de Morkavief, le fief qui jouxte Iduvief. Notre alliance lui permettait d'obtenir une place de choix et me garantissait d'avoir comme époux un allié de poids.

 

Calith l'observe attentivement, cette veuve qui dessine avec détachement l'homme qui fut son époux. Il ne peut s'empêcher de se demander si cette relation, en hors de l'intérêt qu'elle représentait, était faite d'amour. Marsylia, faisant lentement tourner sa coupe entre ses doigts couverts de bagues, poursuit :

 

- Quoiqu'il en soit, il était amené à gérer le fief à mes côtés. Bien entendu, j'aurais gardé un poids important dans la prise de décision, mais elles se seraient faites à deux. Il semblait donc plus logique, à mon père et à Égeas, qu'on veuille assassiner Yorell plutôt qu'un cuisinier. Mon père a fait jouer ses relations, tout en restant très discret, pour savoir s'il y avait des personnes qui auraient pu vouloir attenter à la vie de mon époux. Mais il a fait choux blanc.

- Le Seigneur de Morkavief connaît-il vos doutes concernant la mort de son fils ?

- Non, Votre Altesse. Nous avons jugé plus sage de l'informer de son décès en l'annonçant comme parfaitement naturel. Il est évident que s'il s'agit d'un meurtre, nous le tiendrons informé. Une fois que nous aurons découvert le coupable.

 

Calith hoche doucement la tête. Il imagine sans peine les réactions du Seigneur de Morkavief, apprenant le meurtre de son fils, sans qu'Iduvief soit capable de lui apporter la tête du coupable. Puis, en se passant une main dans les cheveux hirsutes, Calith demande :

 

- Que comptez-vous faire maintenant ?

- Nous n'avons plus de solutions. Nous avons fait notre possible pour déterminer s'il s'agit de morts naturelles ou non. Pour être parfaitement honnête, Votre Majesté, la seule alternative qui nous reste est d'attendre qu'une nouvelle mort se produise. Sans quoi, nous déclarons que ce n'était que des coïncidences, et nous fermerons ce dossier une bonne fois pour toutes.

 

Loundor repose un peu trop vivement sa coupe, dont le choc avec la table retentit longtemps dans le silence lourd de la pièce. D'une voix un peu trop sèche, il demande :

 

- Était-ce là les projets de votre père ?

- A vrai dire, oui, Général. Nous n'avons rien pour étayer la thèse d'un meurtrier, donc à moins qu'il ne commette une erreur, ou qu'il tue à nouveau, nous estimerons que cette affaire n'est qu'une suite malheureuse de décès.

- Mais si Artéus m'a fait venir, c'est qu'il n'y croyait pas.

- Mon père ne vous a pas fait venir, Général. J'ignore qui se cache derrière cette missive abusivement signée de la main de mon père, mais j'enquête à ce sujet, et je découvrirai le fin mot de l'histoire. Le coupable devra m'expliquer son geste avant de subir le châtiment qu'il mérite.

 

Loundor et Calith se regardent, brièvement, avant reporter leurs yeux sur autre chose. Si l'enquête sur la missive est aussi efficace que celle sur ces morts, Severin ne risque rien. Et si Marsylia découvre que c'est l'esclave qui a écrit cette lettre, alors la protection offerte par Calith prendra tout son sens. Après une inspiration, Calith rend son verdict :

 

- La question de savoir si nous allons rester est plus que jamais d'actualité. Nous allons en discuter avec le Général, ainsi que de l'enquête. Nous vous tiendrons bien évidemment informés des résultats de notre réflexion. Avez-vous d'autres informations à nous communiquer ?

- Non Votre Majesté.

- Très bien, dans ce cas, nous allons nous retirer.

 

Calith se lève, rapidement suivi par Loundor. Alors qu'il s'apprête à franchir la porte tenue par Asaukin, Marsylia lui demande :

 

- Votre Altesse, puis-je me permettre de vous demander si vous êtes bien installés ?

- Les chambres sont très agréables, oui, merci.

 

Et sur un dernier hochement de tête, il quitte le cabinet de travail, suivi comme son ombre par Asaukin, Iezahel et Loundor.

De retour dans les appartements de Calith, ils s'installent tous autour de la longue table en bois. Et il ne leur faut que quelques minutes pour se mettre d'accord : Artéus les a fait venir car il redoutait le pire, même s'il n'était pas en mesure de le prouver. Il est donc impensable de repartir, quand bien même l'affaire est plus que nébuleuse et que rien ne prouve qu'ils trouveront quelque chose de plus probant. Ils mèneront donc leur petite enquête, avant de se décider de rentrer à Pieveth.

Après avoir décidé d'établir leur plan d'action le lendemain, au petit-déjeuner, ils se séparent pour le reste de la journée, Loundor rentrant dans ses appartements, et Asaukin reprenant sa garde devant la porte.

 

 

 

 

 

Calith, soucieux, se rend devant la fenêtre. Le soleil brille toujours, dévoilant le paysage enneigé, magnifique. Dans ce château, bâti pour résister aux hivers rigoureux, peu d'air s'infiltre entre les pierres, et il règne déjà une douce chaleur dans le salon. Mais le soleil se rapproche dangereusement de l'horizon, les jours étant très courts en cette période, et le ciel dégagé promet une nuit particulièrement froide. Iezahel s'est rapproché, dans son dos, et sa main effleure celle de son compagnon. Au départ de Loundor et d'Asaukin, deux esclaves sont entrés et Calith peut les entendre chuchoter dans la salle d'eau. Il comprend bien la réserve de son amant et se contente de l'effleurer, lui aussi. Dans un murmure, il annonce :

 

- J'aimerais bien qu'on parle à Severin. Il pourra peut-être nous apprendre plus de choses sur Nalek et sur Yorell.

- J'espère que ton statut ne l'empêchera pas de nous dire tout ce qu'il pense.

- Maintenant qu'il est sous ma protection, il ne craindra peut-être plus de déplaire à Florain.

- Il y a bien des moyens de sanctionner un esclave, sans forcément passer par les châtiments physiques. Mais je ne pense pas qu'il redoute uniquement Florain. S'il révèle des choses, il se dira que tu vas penser qu'il est bavard, et donc qu'il pourrait bien dire ce qu'il a vu de ta vie privée.

- Je ne pensais pas à ça, à vrai dire. Enfin, maintenant, si.

- Sauf que c'est différent : il s'agit de personnes décédées, et ces détails peuvent aider à arrêter un meurtrier potentiel...

- Nous essayerons de nous montrer convaincants.

 

Il peut presque sentir, dans son dos, le sourire de Iezahel. Calith sait se montrer très persuasif, quand il le veut. L'esclave, après lui avoir effleuré la main, déclare :

 

- Je vais m'assurer qu'ils préparent bien ton bain.

 

Lorsqu'il revient, une poignée de minutes plus tard, il confirme que l'eau est train de chauffer, et rajoute :

 

- Ils vont en avoir pour une bonne trentaine de minutes. Si ça ne te dérange pas, on pourrait aller rendre visite à Filraen.

- Pourquoi, tu es malade ?

- Non. C'est pour juste lui demander si il a quelque chose.

- Quel genre de quelque chose ?

Iezahel pince les lèvres, devinant qu'il ne réussira pas à s'en tirer à bon compte. Calith sait être persuasif. Il lâche, un peu à contre cœur :

- Du genre pour faire une surprise.

- Une surprise ? Pour moi ?

- Peut-être.

- C'est quoi comme surprise ?

- Si je te le dis, ça n'en sera plus une.

- Tant pis, dis moi !

- Non.

 

Calith plisse les yeux et son regard devenu dur se plante dans celui, fuyant, de Iezahel. Et d'une voix toute royale, il ordonne :

 

- Dis moi ce qu'est cette surprise.

- Non.

 

Iezahel se détourne rapidement après cette bravade, le cœur battant à tout rompre, et fouille dans les placards. Les bouteilles d'hypocras bues pendant le repas ont été remplacées, mais ce n'est pas ce qu'il cherche. Il s'empare d'un pot en métal, ainsi que d'un sachet d'infusion. Il peut deviner la colère de Calith, de se voir refuser la réponse. Et sans surprise, le verdict tombe :

 

- Alors nous n'irons pas voir Filraen.

- D'accord.

 

Iezahel ne fait aucun effort pour cacher la déception dans sa voix. Certains maîtres feraient battre leurs esclaves, avec de genre de comportement, mais Iezahel est presque certain qu'il ne risque rien. Tant pis pour la surprise, alors, il refuse de céder. Faisant comme si la conversation n'avait finalement que peu d'importance, il remplit le pot d'eau froide, y jette une poignée de feuilles de mélisse séchée et va le placer dans la cheminée, tout près du feu.

 

- Allez, Iezahel, dis moi, s'il te plait.

- Non, Calith, c'est une surprise.

 

Le roi jure à mi-voix, tandis que l'esclave poursuit ses activités, contenant au mieux un petit sourire victorieux : il récupère deux grandes tasses de grès, ainsi qu'un pot de miel, qu'il dépose sur la table. Une infusion à boire dans le bain sera peut-être un moyen de se réconcilier.

 

- Bon, très bien, on va chercher ta surprise. Laisse moi deux minutes, le temps de me préparer.

- Merci.

 

Il ne lui faut effectivement que deux minutes pour se soulager, et lorsqu'il revient, Iezahel, cachant sa joie, est prêt à partir. Ils quittent donc les appartements, escortés par Asaukin, pour se rendre au second étage.

 

 

 

 

 

Lorsque Iezahel frappe à la porte de Filraen, c'est un « Entrez, entrez ! » joyeux qui se fait entendre.

Il pousse lentement la porte, et s'avance dans l'antre du mage, occupé à son écritoire. Severin est allongé sur le lit, pudiquement recouvert d'un drap, et ses habits sont déposés sur le dos d'une chaise. Dès qu'il réalise la présence de Calith, l'esclave bondit hors du lit, s'empêtre les pieds dans le draps, tente de s'incliner alors qu'il est vautré par terre, cul nul en l'air et bredouille :

 

- Votre Majesté.

 

Filraen saute en bas de son tabouret, la plume à la main, stupéfait. Ses yeux écarquillés se portent alternativement sur Severin, puis sur Calith. Ce dernier, gêné, demande à l'esclave de se relever. S'ensuit un nouvel épisode gênant, où Severin tente de se relever en cachant son intimité avec le drap entortillé, oubliant que son roi et Iezahel l'ont déjà vue, et plus d'une fois.

Puis, une main se frottant l'oreille gauche, l'autre crispée sur le drap, la tête basse, il explique au mage :

 

- Sa Majesté Calith de Pieveth nous fait l'honneur de sa présence.

 

La plume s'écrase au sol, l'aspergeant de dizaines de gouttelettes d'encre. Filraen pose un genou au milieu des tâches, tête courbée, et se perd en formules de politesse. Iezahel reste un pas derrière Calith, un léger sourire aux lèvres, observant la scène avec beaucoup d'attention. Calith, lui, finit par lâcher dans un bougonnement gêné :

 

- La manière dont vous m'avez accueilli hier était très bien. Inutile de trop en faire, je préfère la simplicité.

- Comme il vous plaira, Votre Altesse.

 

Filraen se redresse, et Severin, les joues rouges, se rassoit sur le lit, arrangeant le drap comme il peut. Calith reporte son attention sur l'esclave et déclare :

 

- J'ignorais que je te trouverai ici.

- Florain a exigé que Filraen me remette mon anneau.

- La zone n'est pas trop douloureuse ?

- Un peu, si, Votre Altesse, mais Filraen a apaisé la douleur. J'étais...

 

Il ne termine pas sa phrase. La gêne de l'esclave croît encore, et Calith devine tout ce qu'il passe sous silence. Avant de lui faire porter la pénitence, Filraen s'assure que la vessie de l'esclave soit vide. Agit-il dans le même esprit, avant de poser l'anneau ? Cela expliquerait la gêne de l'esclave et pourquoi Severin se trouvait nu dans le lit...

Décidant de ne pas s'attarder sur ce sujet gênant, Calith poursuit :

 

- J'aimerais beaucoup parler avec toi, Severin, dans mes appartements. Pas ce soir, je suis occupé, mais demain, dans la journée, quand tu seras disponible.

- Je viendrais, Votre Majesté, sans faute.

- Très bien. D'ailleurs, pour ce soir. C'est toujours toi qui gère les esclaves qui me servent, n'est-ce pas ?

- Oui Votre Altesse.

- Je tenais à te remercier, alors, pour notre installation. Tu as agi avec beaucoup d'efficacité et de subtilité. J'apprécie énormément ta délicatesse.