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Titre du blog : Histoires yaoi
Auteur : histoiresyaoi
Date de création : 31-05-2013
 
posté le 07-12-2013 à 13:11:21

Iduvief, chapitre 16

 

 

 

 

 

A nouveau, Calith et Loundor se considèrent un long moment. Ils ne sont pas réellement surpris, le responsable des gardes suit Marsylia comme son ombre. Mais qu'il est tentant de propulser Florain directement en tête de liste des suspects ! Après tout, le mari et le père de sa maîtresse sont morts, et ça pourrait lui être très favorable.

Severin, conscient de leur échange muet, profite de ce répit pour se masser le genou et boire un peu. Il sursaute quand Loundor cherche à en savoir plus :

 

- Et Yorell était au courant ?

- Aucune idée. Leurs comportements n'ont pas changés, suite à ces relations, alors... soit il jouait la comédie, soit ils s'en accommodait, soit il ignorait tout de ces aventures.

- Est-ce Yorell était apprécié ?

- Je pense que beaucoup de nobles étaient jaloux de lui : il avait réussi à se marier avec Marsylia et il menait la grande vie. C'était pourtant un homme assez simple, qui adorait la chasse : dès qu'il le pouvait, il emmenait quelques amis, et partait dans la forêt. Il faisait la joie de Nalek, car il ramenait toujours beaucoup de gibier.

- Est-ce qu'il avait des ennemis ?

- C'est difficile à dire, vous savez. Personne n'aurait osé s'afficher comme tel.

- Et sa maîtresse, cette noble, est-elle mariée ?

- Elle est veuve, et n'a plus de famille. Ses enfants ont quitté le royaume, pendant le règne du Tyran, et ne sont pas revenus.

- Concernant la chasse, il n'y a jamais eu d'accident, de problème qui pourrait justifier un ressentiment quelconque ?

- Il y a toujours des accidents, à la chasse. La plupart des personnes qui y participent le font en toute connaissance de cause.

- Y en a-t-il eu un particulier qui a marqué les esprits ?

- Je ne vois pas, non.

 

Severin s'agite à nouveau sur le tabouret, et Calith réalise qu'il prend sur son temps de travail pour se faire harceler de questions. Il décrète :

 

- Essaie de trouver le temps de réfléchir à tout ça. Passe en revue toutes les rumeurs dont tu as entendu parler à la recherche de quelque chose qui pourrait nous être utile.

- A vos ordres, Votre Majesté.

- Tu dois avoir encore beaucoup à faire, je me trompe ?

- Non Sire.

- Alors va. Merci d'avoir répondu à nos questions.

 

Severin se relève en grimaçant, les remercie et les salue, avant de quitter le salon. Calith jette un coup d'œil à Iezahel, qui fixe toujours le feu, puis reporte son attention sur Loundor. La tête penchée sur le côté, ce dernier fait signe à Calith de garder le silence. Le roi se sert donc une généreuse rasade d'hypocras, repensant à ce qu'ils viennent d'apprendre, et sirote doucement le vin abondamment parfumé, perdu dans ses pensées.

 

- Nyv' a demandé à Severin comment s'était passé l'entretien.

 

Calith fronce les sourcils, se demandant pourquoi l'éclaireur a retenu l'esclave plus longtemps que nécessaire. Le sourire amusé de Loundor prouve qu'il y a anguille sous roche, alors Calith l'interroge :

 

- Et qu'a-t-il répondu ?

- Que tu l'impressionnes beaucoup. Mais qu'il t'aime bien. Et c'est là que Nyv' a tenté, laborieusement, de lui faire comprendre que notre groupe était composé de gens agréables et prêts à tout pour défendre leurs idéaux. Puis il lui a affirmé que s'il avait besoin de quoi que ce soit, il devait aller le voir, qu'il l'aiderait sans hésiter.

- C'est maladroit, mais gentil de sa part.

- Et sans doute pas totalement désintéressé.

- Ah bon ?

 

Calith scrute le visage de Loundor, à la recherche d'un indice qui lui permettrait de comprendre ce qu'il se passe. Loundor hoche doucement la tête et annonce :

 

- Je crois que notre cher Nyvaikoth essaie de s'attirer les bonnes grâces de Severin.

- Et Severin semblait réceptif ?

- Pas spécialement.

- De toute façon, on ne restera pas bien longtemps ici. Si Nyv' cherche autre chose qu'un peu de plaisir, il aura le cœur brisé lorsque nous partirons.

- Nyv' n'est pas comme les jumeaux. Je le vois plus à la recherche d'une vraie relation que d'une partie de jambes en l'air.

 

Calith revoit le regard mélancolique de l'éclaireur, il y a une éternité de ça, quand ils étaient au monastère de Pòrr. Était-ce de l'envie, qui se reflétait dans son regard ? Mais ce serait cruel d'aider un rapprochement entre les deux, à supposer que Severin soit intéressé, sachant qu'ils ne sont là que pour une très courte période. En même temps, un petit coup de pouce permettrait peut-être à Nyv' de passer de bons moments avec l'esclave, sans que ça signifie pour autant qu'ils doivent partager le reste de leur vie. Peut-être qu'en apprenant à mieux le connaître, l'éclaireur se rendra compte que Severin n'est pas fait pour lui, et passera à autre chose. Et peut-être bien qu'il veut mieux vivre quelques moments agréables plutôt que de les éviter de peur de souffrir. Calith pousse un long soupir las.

 

 


 

 

Loundor se lève, annonçant qu'il va partir à la recherche des jumeaux pour leur confier leur nouvelle mission, et propose à Calith de l'accompagner. La perspective de déambuler dans les couloirs glacés ne l'enchante pas spécialement, mais Calith doit bien avouer que rester toute la journée dans ses appartements n'est pas une bonne chose. Changer d'air lui fera le plus grand bien.

 

Les voilà donc, tous les quatre, Nyv' les accompagnant, à arpenter le château pendant plus d'une heure, interrogeant les esclaves et les domestiques qu'ils croisent. Mais c'est finalement dans la cour du château qu'ils les trouvent, se chamaillant dans la neige. Sous un soleil éblouissant, bien que déclinant, les gardes, et une partie des esclaves les regardent, hilares, alors qu'ils tentent vainement de tenir debout avec ces cercles de bois aux pieds. Et comme l'un ne peut accepter de tomber sans que l'autre le suive, il s'arrange pour le faire choir à son tour. Malgré leurs vêtements chauds, ils ont le visage rouge brique, et passent bien plus de temps dans la neige que debout.

 

Les spectateurs observent avec attention l'arrivée du Roi, retenant leur rire le temps de savoir comment va tourner le vent. Les jumeaux, eux, n'ont rien vu, et continuent à s'amuser. Du moins, jusqu'à ce qu'un hurlement les fige sur place :

 

- ISHAN ! SHORYS !

 

Loundor se tient sur le sentier, une veine battant à la tempe, les yeux étincelants de rage. Les jumeaux, penauds, se redressent tant bien que mal, et tentent de rejoindre leur Général. Mais ces cercles de bois, pernicieux, les font tomber à nouveau. L'heure n'est plus à la plaisanterie. Ils l'ont bien compris, et se dépêchent de se relever comme ils peuvent.

 

Calith retient un sourire, se souvenant de leur bataille dans la neige, avec Iezahel, la veille. Maintenant que tous connaissent son rang, ce genre de jeu est tout bonnement impossible. Peut-être que, de retour à Pieveth, il pourra réquisitionner la forêt des loups-garous, une paire d'heure, histoire de jouer avec le loup de Iezahel à l'abri des regards. S'assurer du bon état de la végétation pourrait être un motif plutôt plausible. Il jette un regard à son compagnon, mais le masque impassible est toujours en place : impossible de savoir s'il partage les mêmes pensées.

 

Les esclaves et les gardes ont prudemment battu en retraite, laissant les jumeaux affronter seuls le courroux de Loundor. Il ne hurle plus, désormais, mais les sermonne d'une voix dangereusement basse, leur rappelant qu'ils sont l'escorte royale et que l'escorte royale ne se vautre pas dans la neige comme des gamins. Il leur explique, vibrant de colère, qu'ils sont censés impressionner la garde et les esclaves, les dissuader, avec un comportement irréprochable, d'attaquer leur roi. Et toujours sur le même ton, il les informe de leurs nouvelles affectations et les menace de leur ôter leurs attributs masculins, d'une manière qui fait frémir Calith, s'ils ne se tiennent pas à carreau.

 

Les jumeaux adoptent la seule attitude possible pour apaiser leur Général : ils affichent un air contrit, s'excusent platement, et promettent que ça ne se reproduira plus. Plus jamais, renchérit le second jumeau. Loundor n'a pas l'air très convaincu, mais accepte les excuses et demande, plus calmement, où ils ont eu ces machins et comment ça fonctionne. C'est une esclave, qui leur a montré la réserve, et leur a appris que ces ronds de bois s'appellent des raquettes. Elle a fermé les yeux quand ils en ont pris une paire chacun, et s'est vite éclipsée quand ils ont décidé de les essayer sur le champ. De ce fait, ils ont essayé de comprendre d'eux même comment ça fonctionne, et ce, sans grand succès, si ce n'est de faire rire les gens. Ishan essaie de rajouter, ou peut-être bien Shorys, que femme qui rit à moitié dans son lit, mais le regard noir de Loundor fait mourir sur ses lèvres la fin du dicton. Alors, penauds, ils regagnent l'intérieur, et vont ranger ces fameuses raquettes dans le réduit où ils les ont trouvées, sous l'étroite surveillance de leur Général.




De retour dans les appartements, frigorifié, Calith s'installe devant la cheminée. Loundor fait les cent pas, inquiet, et finit par lâcher :

 

- Il faudra bien qu'on apprenne à ce servir de ces machins, là, si on veut rentrer à Pieveth. Mais ça m'a l'air sacrément compliqué.

- On s'entrainera dans la cour.

- Pour être la risée de tous ?

- On pourra demander conseil avant.

 

Un léger sourire effleure les lèvres de Calith, et il ajoute :

 

- On pourrait charger Nyv' d'apprendre à marcher avec ces raquettes, sous la tutelle de Severin.

- A supposer que Severin sache s'en servir, avec son genou. Et à supposer que Nyv' accepte de se ridiculiser devant un esclave qui ne le laisse pas indifférent.

- Et bien, on peut toujours lui proposer. Et on lui laissera le choix d'accepter ou non.

 

Alors qu'il termine tout juste sa phrase, Nyv', justement, frappe à la porte et rentre, précédant Fleur. C'est la jeune esclave à la chevelure flamboyante qui commence, non sans les avoir salués :

 

- Souhaitez-vous que je fasse préparer votre bain, Votre Majesté ?

- Oui, s'il te plaît.

- Très bien. Le dîner sera servi d'ici une paire d'heure, Votre Altesse : la table sera donc préparée pour vous tous, selon vos instructions.

- Parfait.

 

Elle s'incline et le ballet des esclaves commence. Calith, intrigué, jette un regard par la fenêtre et réalise que le soleil est déjà proche de l'horizon. Dans la cour, il n'avait pas eu l'impression qu'il était déjà si tard.

 

- J'ai terminé mon tour de garde, Général, je voulais savoir si vous aviez des instructions particulières à me donner.

- Oui, Nyv'. Nous avons besoin d'apprendre le fonctionnement de ces ronds de bois, appelés ''raquettes''. Je compte sur toi pour trouver quelqu'un qui sache s'en servir, qu'il te l'apprenne, pour que tu nous l'apprennes ensuite. Essaie peut-être avec Severin et dis que tu agis par ordre royal, si ça pose un problème.

- A vos ordres Général.

 

Nyv' s'incline à son tour et quitte les appartements. Loundor leur sert de l'hypocras et ils discutent de tout et de rien le temps que le bain soit préparé. Et quand il est prêt, Loundor se retire, non sans avoir recommandé aux amants de rester sages : le dîner est dans peu de temps.

 

 

 

 

 

Ils ne sont plus que tous les deux, dans les appartements. Iezahel, debout près de la fenêtre, semble absorbé par la contemplation du paysage enneigé, teinté du cuivre du soleil couchant. Il ne réagit pas lorsque Calith l'appelle, et il faut que son compagnon vienne poser une main sur son épaule pour le ramener à la réalité. Calith profite de sa proximité avec lui pour le serrer dos contre son torse. Le menton sur son épaule, il murmure :

 

- Tu as été songeur toute la journée. Il y a un souci ?

- Non, aucun.

- Tout va bien alors ?

- Mais oui, ne t'en fais pas.

- Tu es sûr ?

- Oui Calith. Va prendre ton bain avant qu'il ne refroidisse.

- Et toi ? Tu ne viens pas ?

- Plus tard.

- Comment ça, plus tard ?

- Tu as entendu Loundor : nous devons rester raisonnables, ils viennent dîner avec nous.

- Je ne te proposais pas un bain crapuleux.

- Avec toi, ça dérape toujours.

 

Calith lâche son compagnon pour lui faire face et scruter ses obsidiennes. Iezahel semble mal à l'aise, et peine à soutenir son regard mais Calith insiste :

 

- C'est vraiment ça, la raison ?

- Oui. Et ça me gêne de prendre un bain, quand je sais le boulot que ça représente pour les esclaves.

 

Calith hausse un sourcil et s'écarte de son amant. Adossé au mur, il relève un doigt à chaque contre-argument qu'il trouve :

 

- Premièrement, ça ne te dérange absolument pas à Pieveth. Deuxièmement, ça ne t'a pas dérangé hier. Troisièmement, c'est plus rentable d'être à deux dans une baignoire que de refaire chauffer de l'eau pour ta toilette à toi. Quatrièmement, tu utilises un argument vraiment moyen pour te refuser à moi. Et je n'aime pas ça.

 

Calith agite ses doigts devant son visage. Iezahel, vaincu, baisse la tête, mais reste silencieux. Alors Calith, agacé, demande une dernière fois :

 

- Tu ne veux donc pas te baigner avec moi ?

- Non Calith.

- Très bien, fais comme tu veux.

 

D'un pas rageur, le roi quitte le salon pour se rendre dans la salle d'eau, faisant violemment claquer la porte. Il se déshabille rapidement et se glisse dans l'eau, n'accordant aucune importance aux chandelles ni aux senteurs boisées qui embaument l'air. Et il râle. Il râle contre cette baignoire trop grande et trop vide, il râle contre le savon qui ne cesse de lui échapper des mains, il râle quand il se tortille pour se laver le dos. Ça fait tellement longtemps qu'il n'a plus pris de bain tout seul qu'il se sent soudain désœuvré. Personne à qui parler, personne à caresser. Il essaie bien de se détendre, la tête reposant sur le rebord, les yeux fermés mais c'est en vain. Il essaie de penser à l'enquête en cours, mais c'est tellement abstrait, pour le moment, que ça ne lui inspire rien. Il tente alors de songer aux raquettes, et au chemin du retour qui s'annonce laborieux. Mais son esprit revient toujours sur le refus de Iezahel, un refus obstiné qui s'apparente à une trahison. Il a beau tourner et retourner le problème dans sa tête, il ne voit pas pour quelle raison Iezahel refuse de se joindre à lui. La fatigue ? Peuh, lui aussi, il est fatigué, justement, ça serait l'occasion de se reposer un peu, blottis l'un contre l'autre. La douleur suite à leur nuit de folie ? Calith n'a plus mal, et il n'a pas les capacités de régénération d'un loup-garou. Et de toute façon, il n'avait pas l'intention de faire des excès. Alors quoi ? Il s'en veut de lui avoir fait boire cette infusion tonifiante ? Mais Calith lui a déjà fait savoir que ce n'était pas grave, en prenant sa défense face à Loundor. Calith ressasse, s'agace, et finit par quitter son bain. Il râle encore quand il constate que la sortie de bain est à l'autre bout de la pièce. Et il jure comme un charretier lorsque ses pieds, trempés, glissent sur le sol poli et qu'il se retrouve les quatre fers en l'air. Il peine à reprendre son souffle, affalé par terre. Il ne s'est pas fait bien mal, mais son dos est douloureux.

 

- Tout va bien, Calith ?

- Bien sûr que oui. Tu crois quoi ? Que je ne peux pas me débrouiller tout seul ?

 

Tout à sa colère, il se rend à peine compte du ton inquiet de Iezahel. Il l'entend repartir dans le salon, sans insister. Il peste encore un peu puis finit par se relever. Il a froid soudain, alors, précautionneusement, il s'avance jusqu'à la sortie de bain et s'y enveloppe dedans.

C'est une furie qui sort de la salle d'eau et qui se rend vers l'armoire. Iezahel a pendu toutes ses affaires et il retrouve sans mal un ensemble chaud et confortable, qui conviendra parfaitement pour le dîner. Lorsqu'il rejoint Iezahel dans le salon, sa voix est aussi glaciale que la nuit qui s'annonce :

 

- La salle de bain est libre.

 

Et il va s'asseoir devant la cheminée, après avoir jeté une bûche dans l'âtre, sans un regard pour son compagnon. La danse hypnotique des flammes l'aide à se calmer, et il essaie de déterminer la cause de sa colère. A vrai dire, il s'en moque pas mal, de ne pas prendre le bain avec lui. Ce qui le blesse, c'est que Iezahel refuse de lui dire ce qui ne va pas, comme s'il n'avait soudain plus assez confiance en lui. Parce qu'il commence à le connaître suffisamment pour savoir que quelque chose ne va pas.

Le dîner est morose. Calith plante durement sa fourchette dans un civet de chevreuil innocent, ne desserrant les mâchoires que pour mastiquer violemment. Iezahel reste muet comme une tombe. Les jumeaux, les plus aptes à mettre de l'ambiance, se tiennent à carreau après l'épisode de l'après-midi. Seuls Nyv' et Loundor tentent quelques mots, mais la conversation s'éteint très vite.

 

Dès qu'ils ont fini de manger, ils regagnent leurs chambres respectives, sans traîner plus que nécessaire. Iezahel est le premier à aller se coucher, laissant Calith refermer la porte derrière eux pour laisser les esclaves débarrasser la table.

 

Lorsqu'il s'allonge dans le lit, sur le dos, il jette un regard à son compagnon, allongé sur le côté, face au mur. Pas de câlin ce soir, visiblement. Non pas qu'il en ait spécialement envie, mais cette position démontre clairement que Iezahel n'a pas envie de lui parler, ni de rien d'autre d'ailleurs. Sauf que lui refuse ce mutisme. Alors, lentement, il vient se coller contre Iezahel. Torse contre dos, jambes glissées entre les siennes, lèvres sur le cou. Une main taquine vient caresser le ventre de son amant, mais celle, impitoyable, de Iezahel la bloque au moment où elle allait atteindre l'objet tant convoité.

 

- Pas ce soir, Calith, je suis fatigué.

- Mais il n'y a pas que ça, n'est-ce pas ?

- Si.

- D'accord.

 

Le silence, pesant, retombe dans la chambre. Et ce silence le met mal à l'aise. Alors, dans un murmure, il insiste une dernière fois :

 

- Tu sais, Iezahel, tu peux tout me dire.

 

Pour toute réponse, Iezahel remonte la main qu'il tient dans la sienne et l'embrasse doucement, puis la porte à son cœur. Calith, les yeux grands ouverts, reste songeur, savourant à peine l'étreinte. Il est inquiet. Son compagnon reste parfaitement immobile, et peu à peu, sa respiration se fait lente et régulière. Mais il faut de longues minutes pour que son esprit s'apaise et qu'à son tour, il s'abandonne au sommeil.

 

 

 

 

 

Quelques coups sont frappés à la porte, et une voix annonce que le petit-déjeuner est servi. Calith baille longuement et soupire. Cette nuit a été presque autant agitée que la précédente. Oh, pas à cause de plaisirs charnels, absolument pas. Iezahel a enchaîné cauchemar sur cauchemar, comme aux tout premiers temps de leurs relation. Calith a donc passé la majeure partie de la nuit à le calmer, puis à apaiser ses sanglots. Le jour les surprend donc épuisés, réveillés mais peu enclins à sortir du cocon douillet du lit. Ils dormiraient bien encore un peu, espérant que les mauvais rêves les laissent tranquille, le temps de se reposer un peu. Mais le cours de la vie reprend, se souciant bien peu de leur fatigue.

 

Calith se lève en premier, après avoir embrassé Iezahel sur la tempe. Il ne pose pas de questions, ne commente pas cette nuit. Durant ces heures de veille anxieuse, il a décidé de laisser son compagnon tranquille : il lui parlera quand il se sentira prêt.

Iezahel se lève à son tour, évitant soigneusement le regard de son amant. Après un rapide passage à la salle de bain, ils se retrouvent devant la longue table du salon, autour d'un solide petit-déjeuner. Iezahel ne semble pas avoir beaucoup d'appétit, mais Calith se garde bien d'en faire la remarque, ou de laisser ses yeux traîner trop longtemps sur son amant. Quand il sera prêt...

 

Et lorsque, après s'être chaudement vêtu, Iezahel annonce qu'il va faire un tour, Calith ne pose pas de questions. Il brûle pourtant de savoir où il va, pourquoi, et quand il reviendra. Il aurait parfaitement le droit d'exiger d'avoir ces informations, tout comme il pourrait très bien lui interdire purement et simplement d'y aller. Mais il n'en fait rien et se contente d'un laconique « à tout à l'heure ».

 

Resté seul dans le salon, affalé dans le fauteuil devant l'âtre, il sirote une tisane, l'esprit bouillonnant, essayant de s'expliquer le comportement de Iezahel. Mais ses réflexions sont interrompues par l'arrivée en trombe de Loundor, qui fait violemment claquer la porte du vestibule. Il s'engage à peine dans le salon, se contenant d'ordonner :

 

- Calith, viens tout de suite. On vient de découvrir Égeas, mort.