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Titre du blog : Histoires yaoi
Auteur : histoiresyaoi
Date de création : 31-05-2013
 
posté le 17-12-2013 à 19:59:23

Iduvief, chapitre 23

 

 

 

 

Calith se laisse tomber sur le banc qui orne le vestibule. Cette information pourrait impliquer bien des choses. D'une voix étranglée, il demande :

 

- Est-ce que tu es sûr qu'il est allé parler au maître d'écurie ?

- Non Votre Altesse. Les gardes n'accordent guère d'importance aux asservis, alors ils ne nous diront pas comment ils en sont venus à cette idée, ni ce qu'ils savent des agissements de Florain. Par contre, plusieurs esclaves l'ont croisé, très tôt hier matin. Il inspire tellement la crainte qu'il ne passe jamais inaperçu, tout le monde le surveille en redoutant d'être châtié. Et tous, hier, l'ont vu se diriger vers les écuries. L'asservi qui dit l'avoir vu échanger des paroles avec Kjeld est un peu simple d'esprit. Il était avec les chiens de chasse, qui restent dans une stalle en hiver. Il les aime beaucoup, au point d'aller les voir au lieu de faire son travail. Il est gentil, mais il a dû mal à comprendre les choses. C'est pour ça que je ne peux pas vous garantir avec une certitude absolue que ça s'est bien passé comme ça.

- Il aurait pu mentir ?

- Non, ce n'est pas son genre. Par contre, il aurait pu se tromper de personne, ou se tromper de jour, ça, ça lui arrive. Sauf qu'il est tellement terrifié par Florain qu'il le reconnaît assez facilement.

 

Le silence retombe dans le vestibule. Même si ce n'est pas sûr, le fait que Florain discute avec le maître d'écurie juste avant le drame déclenche une avalanche de pensées chez Calith. Se méprenant sur le silence de son roi, Severin murmure :

 

- Je suis navré, Sire, ces informations ne sont pas très fiables. Mais j'ai pensé que ça pourrait quand même vous intéresser.

- Tu as bien fait, ça m'intéresse énormément, oui.

- Souhaitez-vous que je continue à questionner les esclaves ?

- Uniquement si ça ne te met pas en danger, Severin. Je veux que tu sois extrêmement prudent.

- Bien sûr, Sire.

- Et dis-moi. C'est vrai que Florain ignorait l'existence du fils de Sighild ? J'ai l'impression qu'il sait tout sur tout.

- Ce n'est pas qu'une impression, Votre Majesté. Ses gardes sont partout, et certains domestiques autant que certains esclaves leur rapportent tout ce qu'ils voient. Je ne pense pas qu'il ignorait l'existence du petit, même si il prétend le contraire.

- Mais quel intérêt aurait-il à dissimuler ça ?

- Je l'ignore, Sire.

- Bien. Fais en sorte que le bain soit prêt rapidement, nous réfléchirons à tout ce que tu nous as appris. Fais attention à toi, Severin.

- A vos ordres, Sire.

 

Après une courte révérence, l'infirme quitte le vestibule, se frottant doucement la joue gauche. Pensif, Calith regagne le salon puis met la tisane prescrite par Filraen au coin de l'âtre, pour qu'elle infuse lentement. Enfin, il va dans sa chambre. Iezahel dort encore, Fáelán blotti sous l'édredon, sans doute, bien qu'il ne soit pas visible. Calith hésite et se demande s'il a bien fait de demander le bain immédiatement. Adossé au chambranle de la porte, il regarde, attendri, son amant se reposer. Les hématomes qui parsèment son visage ont déjà commencé à jaunir, signe, s'il en fallait, de son incroyable capacité à guérir. Mais ça ne signifie pas pour autant qu'il n'a pas souffert comme n'importe quel humain souffrirait. Florain s'est jeté sur l'occasion, accusant l'esclave de meurtre avant même de s'assurer que les preuves contre lui étaient solides. Et si c'était Florain lui-même qui avait créé cette occasion ? Et si il avait fait en sorte de détourner l'attention royale des empoisonnements en se débrouillant pour que Kjeld tue Sighild et que Iezahel soit impliqué ?

 

Calith se décale, après avoir entendu un toussotement respectueux dans son dos. Deux esclaves se faufilent discrètement par la porte pour s'engouffrer dans la salle de bain. Assis sur l'une des malles de la chambre, le regard toujours rivé sur son compagnon, Calith cherche à démêler le vrai du faux. Et à exclure les hypothèses les plus invraisemblables. Il n'aime pas Florain, c'est un fait. Il n'aime pas son air hautain, pas plus que sa manière de traiter les esclaves. Et il lui en veut terriblement d'avoir porté ces accusations sur Iezahel. Cependant, s'il est l'amant de Marsylia, ça doit bien vouloir dire qu'il a des qualités, non ? Elle n'est pas sotte, elle n'est pas aveugle non plus. Quel intérêt aurait-elle à se fourvoyer avec un responsable s'il n'avait que des mauvais côtés ?

 

Ce n'est pas parce qu'il n'aime pas Florain qu'il peut l'accuser. Il faut du concret. Que le responsable aille discuter avec Kjeld est parfaitement plausible, et il peut avoir mille choses à lui dire. Sans que ce soit pour manigancer un tel complot. D'autant plus qu'il aurait fallu qu'il soit sacrément perspicace, pour deviner que Kjeld, après ses propos, irait tuer son souffre-douleur. Et il aurait fallu qu'il soit quasiment devin pour songer que Iezahel soit présent à ce moment-là dans les écuries, qu'il ait vu le meurtre, et qu'il s'interpose. Sans compter Till, qui s'est mêlé de ça. Florain aurait-il pu prévoir cette évolution? C'est fort peu probable. Même s'il sait beaucoup de choses, même s'il savait que Iezahel passait du temps dans les écuries, comment aurait-il pu savoir qu'il connaissait Sighild ? Comment aurait-il pu deviner qu'il allait s'en mêler ?

 

Calith s'adosse au mur, et croise les jambes, cheville sur genou. Encore et toujours Florain. Il semble omniprésent, au château. Son nom a déjà été prononcé, lors de l'enquête sur les empoisonnements. Amant de Marsylia, il se débarrasse du mari, puis du père. Pour être là pour l'épauler, une fois qu'elle se retrouve à la tête du fief ? Mais Égeas ? Et le chef cuisinier ? Et même si elle ne le montre pas, il semble évident que Marsylia a dû souffrir des pertes successives de son mari et de son père. Un amant ferait-il souffrir de la sorte la femme qu'il aime pour la voir sur le trône ? Et Marsylia n'a-t-elle pas appris à se méfier des gens qui lui tournent autour et qui la flattent ? Artéus ne l'a-t-il pas mise en garde contre ces sangsues qui rôdent autour du pouvoir, prêtes à tout pour en avoir des miettes, voire plus si possible ?

 

Il faudra qu'il fasse part de ses réflexions à Loundor et à Iezahel, ils pourront l'aider à aiguiser ses idées. Quitte à aller demander des comptes à Florain, dans un interrogatoire serré. Car si il s'avère que Florain a sciemment orchestré les évènements, dans les écuries, pour faire accuser Iezahel, alors Calith ne répond plus de rien. La rage qu'il ressent, à la simple évocation de cette hypothèse, laisse présager ce qu'il se passera si il apprend que c'est ce qu'il s'est réellement passé. Oh oui. S'il a la preuve que Florain est derrière tout ça, il lui fera connaître les mêmes tourments que ceux infligés à Iezahel. L'humiliation, les coups, la contrainte inhumaine des fers et de la pénitence, la nuit, nu, dans les cachots glacés. Et ça ne serait que le début. Ensuite, il lui …

 

Iezahel gémit dans son sommeil, arrachant Calith de ses sombres fantasmes. Le roi se lève souplement, et va s'asseoir sur le lit, une main sur l'épaule de son compagnon. Ce simple contact le réveille en sursaut. Son œil valide parcourt la chambre avant de se poser sur Calith, et Iezahel laisse échapper un soupir de soulagement.

Une poignée de secondes plus tard, les esclaves sortent de la salle de bain en annonçant que le bain est prêt, et ils se retirent, non sans avoir salué respectueusement leur roi. Iezahel semble très intéressé par l'idée de plonger son corps meurtri dans l'eau chaude. Il écarte l'édredon, dévoilant le petit corps de Fáelán, sous forme humaine cette fois. Le gamin les regarde en silence, de ses grands yeux trop graves pour son âge. Calith va récupérer l'infusion, qu'il verse dans une grande chope avant de la déposer sur la petite table proche de la baignoire.

 

Puis de retour dans la chambre, Calith prend Fáelán dans ses bras, et le porte sur une hanche. Iezahel, miracle de sa nature, peut marcher tout seul. Dans la salle de bain, Calith prélève de la baignoire une bonne quantité d'eau pour en remplir une cuvette, et plonge le gamin dedans, pour son plus grand bonheur. Fáelán aime l'eau, et à peine installé sur la table qui jouxte la baignoire, il se met à jouer avec l'éponge. Iezahel, une fois ses besoins assouvis, va rejoindre Calith dans l'eau, et gémit de bien-être. Ils se lavent mutuellement avec beaucoup de tendresse, Iezahel sirotant son infusion sous le regard bienveillant de Calith et restent un long moment à se câliner. Ils n'échangent pas un mot, leurs gestes expriment suffisamment tout le plaisir qu'ils ont à se retrouver.

 

Des bruits, en provenance du salon, les ramènent à la réalité : le dîner doit être servi. C'est Iezahel qui insiste pour sortir de l'eau en premier et pour aller chercher les sorties de bain. Un léger sourire sur le visage, il murmure :

 

- C'est trop dangereux pour toi, Calith.

- Mais !

 

Calith n'en dit pas plus. Il sait que Iezahel plaisante, et se moque gentiment de lui suite à sa chute, l'autre jour. Bon, évidemment, ça aurait été n'importe qui d'autre, il aurait explosé de colère. Mais c'est Iezahel, son Iezahel, meurtri certes mais vivant. Alors il esquisse un sourire, sort du bain, et se laisse sécher par son compagnon. Une fois emmitouflé dans l'épaisse étoffe, il s'approche de Fáelán, qui suit chacun de ses mouvements du regard. Mais ce soir, c'est Iezahel qui va le laver, et qui va s'occuper de son fils. Et Calith lui apportera toutes ses maigres connaissances en la matière.

 

- Qu'est ce que c'est que ça ?

 

Iezahel, toujours nu, tient dans sa main un morceau de parchemin. Il le déchiffre rapidement, s'enveloppe dans la sortie de bain, et s'approche de Calith. Il lui tend le manuscrit en déclarant :

 

- C'était caché dans les plis de la sortie de bain.

 

Se rapprochant de la chandelle, Calith déchiffre l'écriture malhabile : « Marsylia n'est qu'un pantin, ce n'est pas réellement elle qui dirige ce fief. Florain est un manipulateur. ». Il n'est même pas réellement surpris de l'apprendre, Calith, tant il déteste Florain. Mais ça remet énormément de choses en question. Du salon, la voix bourrue de Loundor les appelle. Alors Calith dépose le mot à l'abri de l'eau, et s'approche de la cuvette de Fáelán. D'une voix douce, il guide son amant, corrigeant ses gestes pour qu'il puisse laver le gamin efficacement et sans danger, lui transmettant tout son maigre savoir. Et lorsqu'ils ont terminé, ils s'habillent et quittent la salle de bain, avec le mot, pour rejoindre le salon.

 

 

 

 

 

La nuit est tombée, mais les flocons qui s'abattent furieusement sur les carreaux sont bien visibles. Le vent s'insinue en sifflant entre chaque fissure, entre chaque interstice. Une véritable tempête fait rage dehors. Calith frémit, imaginant sans peine les courants d'air glacés qui doivent parcourir le château de part en part.

Détournant le regard de la fenêtre, il découvre que c'est une énorme oie qui leur est servie, avec des pommes de terre sautées et des champignons. Le grondement de l'estomac de Iezahel laisse à penser que ce menu lui convient parfaitement.

 

Calith, le mot soigneusement plié dans sa bourse, les laisse se servir, et commence à manger avec appétit. Les soldats ont bien remarqué la présence de ce gamin silencieux sur les genoux de Iezahel. Et leurs fréquents regards dans sa direction ne ratent pas la tendresse et la prévenance dont il fait preuve pour nourrir le petit. Mais personne ne pose de questions, et Iezahel n'explique rien. Les hommes de Loundor pensent sans doute que vu son statut, c'est normal que ce soit l'esclave qui s'occupe du mioche. Quant à savoir ce qu'il fait là, le mioche en question...

 

Lorsqu'il ne reste plus que les os, soigneusement rongés, sur la table, ils terminent leur repas par une belle chope de vin chaud. Et ce n'est qu'à ce moment là que Calith déclare :

 

- Severin m'a parlé d'une rumeur, qui voudrait que Florain ait parlé avec Kjeld, tôt le matin des meurtres. Je parle d'une rumeur, car rien ne nous permet de le prouver. Et tout à l'heure, nous avons découvert ce mot.

 

Il sort précautionneusement le parchemin de sa bourse, et le lit à voix haute, puis conclut :

 

- Ce n'est pas signé, évidemment. Cette écriture est assez maladroite, je pense qu'il s'agit de quelqu'un qui n'écrit pas beaucoup. Nous devons parler à cette personne et en apprendre plus. Vous vous doutez bien que ces informations sont très importantes. Dès demain, nous chercherons à découvrir si elles sont vraies, et ce que ça implique. Nous devrons savoir comment ce manuscrit est arrivé dans la sortie de bain et qui l'a écrit. Et nous devrons tirer cette histoire de manipulation au clair. La nuit porte conseil. Nous sommes tous trop fatigués pour avoir l'esprit clair. Allez vous reposer, et nous nous réunirons tous demain matin pour faire le point.

 

Loundor approuve cette décision d'un hochement de tête. Les uns après les autres, ils quittent les appartements de Calith, la mine songeuse. Lorsqu'ils ne sont plus que tous les trois dans le salon, Calith laisse retomber la pression : c'est surtout lui qui est épuisé. Il s'est passé tellement de choses, depuis ce matin. Quelques coups sont frappés à la porte, et Filraen s'avance lentement. Le repos n'est pas pour tout de suite.

 

Le mage semble surpris de voir son patient attablé mais ne fait aucun commentaire. Sans doute estime-t-il que c'est encore un truc de loup-garou. Calith récupère Fáelán, tandis que, docilement, Iezahel va s'allonger sur le lit. Pendant que Filraen examine son compagnon, Calith se rend dans la salle de bain, et s'empare d'une cuvette ovale assez longue. Il tapisse le fond d'une sortie de bain, veillant à ce que le tissu recouvre bien les rebords en étain. Délicatement, il dépose Fáelán dans ce lit improvisé, avant de le recouvrir d'une épaisse serviette. Les grands yeux pétillants de malice de l'enfant suivent chacun de ses mouvements, et il lui semble même entendre un gazouillement de contentement lorsqu'il soulève la cuvette et va l'installer sur une malle.

Filraen leur jette à peine un regard, tant il est absorbé par les soins qu'il donne. Calith vient lui prêter main forte, déclenchant une avalanche d'exclamations étonnées et ravies concernant la formidable constitution de Iezahel, ses capacités de guérison exceptionnelles et son extraordinaire résistance. Maintenant qu'il a un auditoire, le mage laisse échapper son enthousiasme sans aucune retenue. Les deux amants échangent un regard amusé mais ne font aucun commentaire.

 

L'œil de Iezahel est toujours clos, et Filraen ne peut l'examiner, faisant disparaître toute trace d'amusement. Puis le mage se retire à son tour, sous les remerciements chaleureux de Calith.

Finalement, après avoir embrassé Fáelán pour lui souhaiter une bonne nuit, ils soufflent les chandelles et se blottissent l'un contre l'autre sous l'édredon.




Si Calith redoutait que les cauchemars s'insinuent dans leur repos, il n'en est rien. La chambre est nimbée d'une lueur grise et lumineuse lorsqu'une sensation étrange le réveille. Il est toujours lové contre Iezahel, les yeux mi-clos mais ce dernier a... développé une pilosité anormale dans la nuit. Subitement inquiet, il ouvre grand les yeux. Et découvre, coincé entre son torse et le dos de son amant, une boule de fourrure noire. Un rapide coup d'œil au lit improvisé du gamin lui confirme ses doutes : Fáelán s'est invité. La position n'a pas l'air particulièrement confortable et pourtant, le louveteau ronfle doucement. Puis Iezahel se retourne d'un mouvement de rein, faisant choir la boule de poil sur le matelas. De son regard lupin endormi, Fáelán les scrute avant de bailler à s'en décrocher la mâchoire. Puis il laisse retomber sa tête contre le matelas en poussant un long soupir, avant de se rendormir. Calith et Iezahel se regardent, avant d'exploser de rire.

 

L'œil de Iezahel semble s'ouvrir un peu, ce matin, mais le blanc qui entoure l'iris noir est teinté de rouge. Calith se garde bien d'en faire la remarque : il s'inquiète assez sans transmettre ses pires craintes à son amant. Ils s'habillent rapidement, laissant le gamin se reposer. Mais Calith, d'un air détaché, ne peut s'empêcher de demander :

 

- Tu arrives à y voir, avec ton œil ?

- C'est flou.

- On va aller voir Filraen.

 

Iezahel fronce les sourcils, intrigué, mais ne pose pas de questions. Calith, jetant un regard au louveteau endormi, essaie de changer de sujet en demandant :

 

- On le laisse dormir ou on l'emmène avec nous ?

- On le laisse dormir. Il ne contrôle pas encore ses changements, et ça l'épuise.

 

C'est Nyv' qui a pris son tour de garde devant la porte, ce matin, et il les salue respectueusement. Calith lui demande de rester en poste, décrétant qu'ils ne risquent rien à aller seuls chez le mage. Et puis, c'est qu'il y a un petit trésor à surveiller, maintenant, dans la chambre.

 

Le mage est déjà en pleine effervescence, occupé à soigner une jeune esclave qui s'est entaillé la main. Lorsqu'il en a terminé avec elle, il fait allonger Iezahel sur le petit lit, sous la fenêtre.

 

- Comme son œil est entrouvert, j'ai pensé que vous pourriez nous dire ce qu'il en est, maintenant.

 

Filraen a-t-il perçu le voile d'inquiétude dans la voix de son roi ? Il n'en montre rien, mais Iezahel, lui, l'a perçu, à en croire ses poings qui se crispent sur la couverture. Se traitant mentalement d'idiot, Calith reste silencieux et observe les faits et gestes du mage.

Avec beaucoup de douceur, il soulève la paupière, moins gonflée que la veille. Il examine longuement l'iris, le blanc de l'œil, fait bouger ses doigts et pose de nombreuses questions à Iezahel. Puis il rend son verdict :

 

- Tout va bien. L'arcade sourcilière a éclaté, et ça a créé un hématome. Avec le temps, l'hématome descend, et le sang va dans l'œil. C'est impressionnant, mais c'est normal. Sa vision est intacte, ne vous en faites pas.

 

Calith esquisse un sourire, et soupire de soulagement. Filran demande alors à Iezahel de retirer sa chemise, et il examine avec attention son torse. Et décrète :

 

- Les côtes sont en bonne voie de guérison. L'onguent n'est plus nécessaire, pas plus que les infusions. Les hématomes finiront de se résorber d'eux-même. Tu es vraiment un patient hors du commun, Iezahel !

 

Quelques coups sont frappés à la porte, le coupant dans sa lancée, et un esclave s'avance dans l'antre du mage, avant de se figer en découvrant les visiteurs. Iezahel remet rapidement sa chemise, et se relève. Il le remercie longuement, puis ils quittent les lieux. La fenêtre, sur le palier de l'escalier, laisse voir les énormes flocons de neige qui descendent paresseusement du ciel lourd. Cette neige ne va donc jamais s'arrêter de tomber ?

 

 

 

 

 

Le petit-déjeuner est servi, lorsqu'ils arrivent dans le salon, et tous sont déjà attablés, bien qu'ils aient attendu le roi et son esclave avant de commencer. Mais dès que Calith et Iezahel sont installés, ils mangent de bon cœur, dans le silence. Et ce n'est que lorsque les assiettes sont vides que Calith déclare :

 

- Comme je vous le disais hier, nous devons déterminer le rôle exact de Florain dans ces affaires. Nyv', tu montes la garde, même si nous devons nous déplacer. Asaukin, puisque tu as des connaissances parmi les gardes, je compte sur toi pour apprendre ce qu'ils savent. Ishan, tu restes aux cuisines pour surveiller la préparation des repas, et tu en profites pour laisser traîner tes oreilles. Shorys, essaie d'apprendre quelque chose auprès des esclaves. Je veux connaître tous les bruits de couloir en ce qui concerne Florain, les meurtres de l'écurie, et les empoisonnements. Essayez de savoir s'ils ont remarqué des comportements suspects. Mais comme toujours, soyez discrets, et ne les braquez pas. Nous savons aussi que Florain utilise énormément les esclaves pour savoir ce qu'il se passe ici. Ils ne doivent pas rapporter à Florain que nous enquêtons sur lui. Soyez discrets, très discrets.

 

Les quatre soldats se lèvent, dans un concert de « A vos ordres » plus ou moins discordant. Puis Calith se tourne vers Loundor et annonce :

 

- Quant à nous, nous allons chercher à savoir qui a écrit ce mot. J'aimerais également que nous parlions à Till, il a peut-être entendu les paroles de Florain, hier matin. Des suggestions ?

- Oui. Est-ce que Iezahel a entendu quelque chose, hier ?

 

Calith sursaute, et braque son regard sur son compagnon. Pourquoi n'a-t-il pas pensé que Iezahel était sur place ? Parce qu'il était parti du principe que s'il savait quelque chose, il lui aurait dit ? Et il ne peut réprimer un sourire de soulagement, au début, lorsque Iezahel commence à expliquer :

 

- Je n'étais pas là. J'ai dû quitter la chambre très tôt, pendant que Calith dormait. Il m'avait interdit de m'éloigner, et je n'aurais jamais pu le faire s'il avait été réveillé.

- Et ne t'avise pas de me désobéir à nouveau.

 

Calith a vite perdu son sourire. Si Iezahel lui avait obéi, si il lui avait confié ses problèmes au lieu d'essayer de régler ça tout seul, il n'y aurait jamais eu cette accusation absurde. Iezahel baisse la tête, les joues rouges, mais Loundor intervient :

 

- Ce qui est fait est fait. Je suis convaincu que Iezahel saura retenir la leçon. Tu n'étais donc pas dans les écuries quand Florain y est allé ?

- Non. C'était beaucoup trop tôt, alors je suis allé dans la petite chambre que nous avions au début. Je ne me suis rendu aux écuries qu'une fois que les esclaves avaient fini de servir le petit-déjeuner. Kjeld et Sighild étaient en train de travailler, alors je suis allé voir Fáelán.

- Tu n'y allais que pour voir le gamin ?

 

Sous l'interrogatoire, Iezahel s'empourpre et murmure :

 

- Non. Kjeld exigeait que je passe le voir tous les jours.

- Il était en position d'exiger quelque chose de toi ?

- Il a compris mon attachement à Fáelán. Pour lui, ce gamin était plus une gêne qu'autre chose. Lui faire du mal ne le dérangeait pas, et c'était un moyen de pression idéal.

- Et pourquoi voulait-il que tu ailles le voir ? Il voulait des informations ?

 

Iezahel triture le bout de ses manches, et jette un regard rapide à Calith, qui acquiesce doucement. Loundor a le droit de savoir. De toute façon, une fois cette histoire réglée, ils n'en parleront plus. Et Calith fera tout pour oublier qu'un être abject a posé les mains sur son amant. D'une voix enrouée, Iezahel explique :

 

- Kjeld était un ami de Tathyn. Il partageait la même notion de plaisir. Sighild était son défouloir, mais il s'en lassait, et ne crachait pas sur l'occasion de changer un peu.

 

Loundor est tout pâle, subitement. Nul besoin de plus d'explications, il a compris ce que Iezahel essaie de lui expliquer à demi-mot. Il n'insiste donc pas sur ce qu'il s'est passé dans les écuries, mais un point l'intrigue, alors il demande :

 

- Tu savais que Kjeld venait d'Iduvief ?

- Non. Ils ne parlaient pas de ça quand j'étais avec eux.

- Kjeld était difficilement reconnaissable, mais il ne me semble pas l'avoir vu à Pieveth.

- Il venait à Pieveth pour acheter des chevaux ou en vendre. Après le couronnement de Calith, il a largement espacé ses visites, mais il continuait à venir. Par contre, il se contentait de rester une nuit, pas plus, et il repartait dès qu'il avait terminé ses transactions.

 

Calith sirote doucement son infusion. Il reste silencieux, mais écoute avec la plus grande attention. Comment Iezahel peut-il savoir tout ça ? Est-ce qu'il a surveillé le maître d'écurie, attendant l'occasion de le faire tomber dans un ''malencontreux accident'' ? Mais Loundor poursuit, coupant court à ses spéculations :

 

- Dans l'écurie, ce matin-là, tu as entendu quelque chose ?

- Kjeld et Sighild devaient avoir besoin de quelque chose. Du logement de Kjeld, j'ai entendu le bruit de quelque chose qui tombe, dans la stalle qui sert de réserve. Et le maître d'écurie s'en est pris violemment à son esclave, en la traitant de bonne à rien en lui hurlant dessus. Je l'ai entendu la frapper et elle a murmuré mon prénom. Je crois qu'elle espérait que je viendrais l'aider. Mais j'avais Fáelán dans les bras, il s'était agrippé à ma chemise, tout tremblant, et refusait que je le lâche. J'ai entendu Kjeld lui dire qu'elle ne devait rien espérer de moi. Le reste n'était pas compréhensible, malgré mon ouïe. Et ensuite, le cri de fureur de Till.

 

Iezahel frissonne, malgré la douce chaleur qui se répand dans le salon grâce à la cheminée. Loundor, comprenant que ces souvenirs sont éprouvants, marmonne :

 

- Till avait vu ce qu'il se passait, lui aussi. On ira l'interroger, tout à l'heure. Il en a peut-être vu et entendu un peu plus.

 

Le silence retombe dans le salon. Iezahel garde les yeux rivés sur la table, perdu dans ses pensées. D'un geste doux, Calith tend la main pour la poser sur celle de son amant, et la serre tendrement. Il ne peut pas lui en vouloir. A sa place... Non, impossible de se mettre à sa place, dans une situation aussi compliquée et malsaine. Mais il comprend ses motivations. Le voir, là, penaud et au bord des larmes, lui noue la gorge. Le Général, bien conscient de la situation, déclare :

 

- Les circonstances sont particulières, et les félicitations ne sont pas de rigueur. Mais ton louveteau est magnifique et tu as de quoi être fier de lui.

 

Iezahel sourit enfin, et incline légèrement la tête en guise de remerciement. Comme s'il avait deviné qu'on parlait de lui, le louveteau arrive en trottinant dans le salon, la truffe en l'air. Iezahel a gardé, dans son assiette, une part pour son fils. Et Fáelán a l'air très intéressé. Il évite soigneusement de s'approcher de Loundor et se ramasse sur lui-même pour sauter sur la chaise à côté de Iezahel. Mais il manque d'élan, et se retrouve les quatre fers en l'air dans un couinement de douleur. Attendri, Iezahel l'attrape doucement et le hisse sur ses genoux. Après quelques caresses sur le dos, il descend l'assiette pour la tenir tandis que le louveteau fait honneur à la cuisine. Lorsqu'il a terminé de manger, presque instantanément, il se transforme en petit garçon, sous le regard admiratif de Loundor. Iezahel le prend alors dans ses bras, et l'emmène dans la chambre pour l'habiller.

 

Avant que Calith ait pu dire quoique ce soit, deux esclaves entrent dans le salon et se dirigent discrètement vers la chambre, sans doute pour refaire le lit et nettoyer la salle d'eau. Dans un éclair de panique, le roi songe à avertir son compagnon, avant de se souvenir que, de toute façon, vue l'ouïe de ce dernier, il ne devrait pas être trop surpris.