Il règne un silence sépulcral dans la bibliothèque qui fait office de bureau. L'odeur de cire, de vieux parchemin et d'encre est omniprésente, pour le plus grand plaisir de Calith.
Il se masse doucement les tempes, essaie de se concentrer sur le dossier étalé devant lui. Les rayons du soleil se déversent à flots sur son bureau, uniquement atténués par la fenêtre translucide. Elihus lui a remis le rapport, avant de retourner aux archives. Comme tous les mois, il a passé sa matinée en réunion avec les différents responsables du château : Voinon, Alima, mais aussi le Chef de cuisine, la lingère, le capitaine des gardes et encore tout une flopée de gens importants pour le bon fonctionnement. Calith déteste ce genre de réunion mais il s'y rend de temps en temps, sous la menace d'Elihus. Par contre, il est obligé, tous les mois, de lire le rapport de cette fichue réunion, et de prendre les décisions qui s'imposent. Et à chaque fois, Elihus, prudent, disparaît à ce moment-là.
Fáelán est installé sur un tapis moelleux, et joue sans bruit avec son bout de tissu. Quand il a été question de le laver, pour ôter cette odeur d'écurie, il s'est mis à pleurer bruyamment pour la première fois. Alors ils ont renoncé, et le laissent l'emmener partout. Iezahel ressemble à une statue, tant il est immobile et silencieux, debout près de la porte. Calith sait pourtant qu'à la moindre intrusion, son amant le défendra dans la seconde. Ils sont si discrets qu'on aurait vite fait d'oublier leur présence. Mais l'esprit du roi, peu enclin à s'intéresser au satané rapport, revient sans cesse vers eux.
Il est sur le point d'envoyer balader le compte rendu, quand Iezahel déclare :
- Loundor arrive et il n'est pas seul.
Ravi de l'aubaine, Calith délaisse le rapport et se tourne vers la porte, qui s'ouvre moins d'une minute plus tard. Loundor laisse passer Iris, avant de s'avancer à son tour dans la bibliothèque. Ses longs cheveux noués en tresse qu'elle a enroulé sur sa nuque, vêtue d'une simple robe couleur crème, elle est magnifique. Son visage commun est illuminé par ses yeux d'un bleu profond, qui reflètent toujours une douceur infinie. Possessif, Loundor se tient à côté de sa femme, une main sur ses reins, et déclare :
- Nous avons pris une décision, Majesté.
Calith esquisse un sourire en l'entendant : comme d'habitude, il ne s'encombre pas de politesse superflue et va droit au but. C'est pourtant avec une légère pointe d'appréhension qu'il attend la suite : Loundor prend rarement la peine de l'informer de décisions concernant son couple. Et si Iris est présente, c'est que ça concerne leur couple. C'est d'ailleurs elle qui, contre toute attente, déclare :
- Loundor m'en a parlé et m'a laissé le temps de la réflexion. Si vous êtes d'accord, Sire, j'aimerais m'occuper de Fáelán dans la journée.
Elle laisse retomber le silence et darde son regard doux et franc sur Calith. Calith, bien en peine de lui donner une réponse tant il est pris au dépourvu. Bien sûr, ce serait la solution idéale : elle a élevé trois garçons, trois Loundor miniatures. D'après Iezahel, les loups-garous de naissance engendrent plus souvent des lycanthropes que ceux qui ont été mordus, raison pour laquelle aucun des fils de Loundor n'est un loup-garou. Mais ça n'a pas dû être de tout repos pour autant, et elle a parfaitement su les élever. Épouse de Loundor, elle en connaît un rayon sur la lycanthropie et ne risque pas de s'enfuir en courant en voyant Fáelán se transformer. Et puis, bien sûr, les appartements de Loundor sont légèrement éloignés du cœur du château, puisqu'ils se situent non loin de la caserne. Fáelán pourra ainsi grandir avec d'autres garçons, sans le regard de la cour rivé sur lui. Mais avant de prendre la moindre décision, Calith veut l'accord de son compagnon, alors il se tourne vers lui et demande :
- Tu en penses quoi, Iezahel ?
Fáelán s'est levé à l'arrivée de Loundor et caché entre les jambes de son père, il scrute les nouveaux venus, comme conscient que son avenir se joue actuellement. Iezahel semble impassible, son beau visage figé dans un masque indéchiffrable, le corps souple et détendu. Mais Calith le connaît suffisamment pour deviner que derrière cette apparence calme, l'esprit de son compagnon est en ébullition. Iris se tourne un peu, de manière à avoir les deux dans son champ de vision, et déclare, comme pour les convaincre :
- Si vous êtes d'accord, vous me l'amenez dans la matinée, à l'heure que vous voulez. Il mangera le midi avec les enfants, et je l'occuperai toute la journée. Et vous pourrez venir le récupérer à l'heure qui vous arrange.
- C'est d'accord pour moi.
La voix de Iezahel est claire, assurée. Pourtant, Calith y décèle bien des sentiments qu'il se promet d'aborder avec lui, quand ils seront seuls. En attendant, il confirme :
- Nous sommes d'accord. Merci beaucoup pour ta proposition, Iris, je suis convaincu que Fáelán sera heureux avec toi.
- Je ferai tout pour qu'il en soit ainsi, Sire.
Elle s'incline légèrement, puis s'approche lentement de Fáelán. Il hésite un court instant, avant que le regard rassurant de son père ne le convainc de s'avancer vers Iris. Elle se penche pour le prendre dans ses bras, l'embrasse doucement, et dans un murmure, lui explique qu'il va aller avec elle, mais qu'il retrouvera bientôt son papa. Puis sans brusquerie, elle quitte le bureau royal, Fáelán lançant un regard poignant à son père par-dessus son épaule.
Iezahel est visiblement ému de voir partir son fils, mais ne bronche pas. Un rapide coup d'œil à la fenêtre translucide indique à Calith que le crépuscule arrivera dans une paire d'heure : la séparation ne sera pas trop longue.
Loundor, resté dans le bureau, bougonne :
- J'ai pensé que c'était une bonne solution. Elle va bien s'en occuper. Glial est parti ce matin ?
- Oui, avec le tribunal. Ils nous enverront un message lorsqu'ils seront arrivés.
- Parfait. Aucune nouvelle de Nyv' ?
- Pas pour le moment, non.
- Ils ne devraient plus tarder, maintenant... Bon, je dois retourner auprès de mes soldats, je vous laisse.
Loundor, comme gêné par cette conversation qui doit lui sembler futile, tourne vite les talons. C'est pourtant bien normal qu'il demande des nouvelles de son éclaireur. Et c'est normal aussi de s'inquiéter du départ de Glial et du tribunal.
Glial, cet homme dans la force de l'âge, passionné lui aussi par la paperasse et les règlements, ancien assistant de l'économe du château. Elihus l'a débauché et a voulu le former au rôle d'archiviste, mais il a bien dû se faire une raison : l'homme s'étiolait enfermé entre quatre murs, lui qui rêve de rencontrer des gens et de les aider aux quotidien. Mais c'est aussi un homme sûr de lui et de son savoir, avec les épaules suffisantes pour tenir bon quand on remet en cause ses décisions. Le lendemain de leur retour, il y a deux jours, Calith a résumé leur séjour à Iduvief et expliqué ses décisions à Elihus, qui a tout de suite vu en Glial l'homme de la situation. Et Glial n'a pas hésité bien longtemps avant d'accepter la proposition de devenir le bras droit de Marsylia.
Il ne lui a fallu que deux jours pour rassembler ce dont il avait besoin, et pour que le tribunal se libère de ses obligations. A l'aube, ils ont pris la route, en direction d'Iduvief et Calith est rassuré : ils se montreront à la hauteur de la tâche qui les attend.
Iezahel a repris sa veille silencieuse, comme si de rien n'était. Entre deux maux, Calith a du mal à choisir : aborder des sujets douloureux avec son amant, ou terminer ce foutu rapport. Finalement, bien conscient de sa lâcheté, il se concentre sur le compte-rendu. Après tout, c'est l'affaire d'une petite heure et il en sera débarrassé après.
Le temps file et le soleil est déjà dangereux bas à l'horizon quand il redresse la tête. Le dossier est couvert d'annotations diverses et variées, de quoi convaincre Elihus qu'il a sérieusement travaillé. Il pousse un long soupir de soulagement, se tourne vers Iezahel avec un petit sourire. Mais Iezahel est concentré, la tête penchée sur le côté, et murmure :
- Jérémias est en train de discuter avec Nyv' dans le couloir. Il est en pleine panique parce qu'il ne sait pas s'il peut le laisser entrer alors il parle pour ne rien dire.
- Pourquoi tu n'es pas allé lui dire de le faire rentrer ?
- Tu étais occupé. Et c'était plutôt amusant.
Calith hausse un sourcil et prend une mine réprobatrice, même s'il doit bien se l'avouer, lui aussi s'amuse de la maladresse de Jérémias. Dans un grondement affectueux, il ordonne :
- Va le chercher.
Iezahel s'exécute sans rechigner et laisse entrer peu après Filraen, Nyv' et Severin. Calith ordonne à Jérémias d'aller chercher Elihus et Loundor, et de faire venir des boissons et de quoi grignoter.
Tandis que Iezahel tire des chaises pour que les arrivants puissent s'asseoir, Calith observe Severin. Il se tient bien droit, son visage n'accusant plus le contre-coup de sa terrible nuit à descendre d'Iduvief en pleine tempête de neige. Mais il semble tout de même épuisé, et il vacille légèrement, se tenant tout près de Nyv', comme en prévision d'une chute soudaine. Il attend pourtant l'ordre de Calith pour s'asseoir, un temps après Filraen et Nyv'. Ils ont dû venir ici immédiatement après leur arrivée, car leurs joues sont rougies par le froid, et ils sentent le cheval. Iezahel se tient droit derrière la chaise de Calith, silencieux et immobile, ce qui semble surprendre Filraen. Mais quand Calith demande comme s'est passé leur voyage, il répond avec assurance :
- Fort bien, Votre Majesté, fort bien ! Nous sommes restés trois jours à L'Hydre qui fumait. Xalaphas s'est montré très agréable et très attentionné. Il nous a permis de nous installer à l'étage la seconde nuit, car Severin allait un peu mieux et n'avait plus besoin d'être dans une pièce aussi chaude. Il faut quand même reconnaître que c'était bien plus confortable que de dormir sur une chaise. Enfin, il a été charmant. Seule Hilda s'est montrée légèrement menaçante quand j'ai essayé de lui faire comprendre qu'il n'était pas bon de tant donner à manger à un malade. Elle n'a rien voulu entendre, a haussé le ton, et s'est même permis de me dire qu'elle n'avait pas de leçon à recevoir d'un gringalet comme moi qui, de toute évidence, est totalement imperméable aux plaisirs de la bonne chair.
Il frissonne longuement et Calith doit se mordre les lèvres pour ne pas éclater de rire. Elihus, comme désœuvré par l'absence de son roi, a entassé des dizaines de dossiers absolument pas importants à traiter de toute urgence, et après une journée à potasser tout ça, Calith apprécie vraiment la fraîcheur et le bavardage du mage. Nyv' et Severin sont côte à côte, et à mesure que Filraen parle, ils semblent se rapprocher de plus en plus, donnant l'impression de faire bloc contre son babillage. Mais le mage poursuit, comme si de rien n'était :
- Oh ! Et nous avons rencontré son garçon d'écurie, un homme charmant, lui aussi, très élégant et raffiné ! Nous avons longuement discuté des soirées entières, il était très calé en créatures surnaturelles et se montrait passionnant quand il en parlait. Enfin, Severin allait de mieux en mieux, et nous avons pu reprendre la route plus tôt que je ne le pensais. Ses engelures étaient encore un peu douloureuses, mais le risque d'infection était passé. Quant à ses problèmes respiratoires, ils étaient nettement sur la voie de l'amélioration. Xalaphas était navré qu'on parte si tôt, d'autant qu'il nous a certifié que vous aviez prévu large pour notre séjour et que nous pouvions encore rester un peu. Il a également essayé de savoir qui vous étiez, Sire : je crois que vous l'avez vraiment marqué. Mais nous n'avons rien dit, Sire, je vous le jure, il ignore qui vous êtes !
- Pas pour longtemps : le lendemain de notre retour, j'ai demandé à l'ébéniste de la cour de graver une petite plaque de remerciement et je lui ferai parvenir dès qu'elle sera prête. Des remerciements royaux devraient apporter un petit avantage à son auberge, qui aura plus de clients.
- Il est très embêté à ce sujet, il est convaincu que c'est à lui de vous remercier, et non l'inverse. Et je dois bien avouer que je suis plutôt d'accord avec lui... Enfin, bien entendu, je ne remets pas en cause votre décision, qui est sage et juste, mais je comprends...
L'arrivée de deux esclaves, apportant vin chaud et petits biscuits sablés, coupe court aux justifications hasardeuses de Filraen. Le silence règne pendant une poignée de minutes, tandis que les voyageurs se réchauffent avec le vin chaud. Filraen, conscient qu'il était sur un terrain glissant, reprend la parole en changeant de sujet :
- Nous avons donc quitté l'auberge au matin, et nous avons fait halte au monastère de Pòrr. C'était absolument fascinant ! Je n'étais jamais allé dans ce genre d'endroit, heureusement que Nyv' me l'a conseillé car je n'aurais jamais pensé à m'arrêter là-bas. Ils ont été vraiment très chaleureux, et j'ai pu discuter avec l'acolyte responsable de l'infirmerie. Nous avons échangé énormément de recettes de remèdes, car il en connaissait beaucoup, dont certaines n'apparaissent même pas sur les parchemins que j'ai en ma possession ! Heureusement, j'ai pu lui apprendre quelques petits trucs mais il en ….
La porte s'ouvre, laissant entrer Loundor et Elihus. Le soulagement de Nyv' et Severin est palpable et le roi devine sans peine à quel point le trajet a dû leur paraître long, eux qui souhaitaient sans doute roucouler en paix, alors que le mage n'arrêtait pas de causer. Ses deux conseillers assis, Calith fait les présentations :
- Filraen, Severin, voici Elihus, mon bras droit avec Loundor, qui m'aide énormément dans toute la partie … paperasse. Enfin, les archives, les décrets, les décisions administratives, ce genre de choses. C'est un homme de confiance, avec qui vous pouvez parler sans crainte. Elihus, voici Filraen, mage guérisseur de son état, anciennement basé à Iduvief. Marsylia l'a mis à la porte quand il a échoué à sauver son amant de l'empoisonnement. Les quartiers de Volkhves sont toujours disponibles, n'est-ce pas ?
- Oui Sire.
La réponse d'Elihus a été claire et dénuée de sentiments, mais la simple évocation de ce nom a dû faire resurgir bien des émotions. Volkhves était le mage officiel de Pieveth à l'époque du père de Calith et c'est lui qui enseignait la magie. Malgré son peu d'attrait pour la magie, Calith l'appréciait énormément, comme tout le monde au château : c'était un homme déjà âgé, qui donnait envie d'apprendre et savait expliquer les choses clairement. Il était toujours disponible et avenant, essayant systématiquement d'aider les autres. Sa mort, naturelle, deux ans avant l'arrivée du Tyran, avait bouleversé le Roi et il s'était refusé à le remplacer. Ensuite... eh bien, le Tyran avait pris le pouvoir, amenant ses propres hommes. A son retour, Calith n'avait pas pris réellement la peine de chercher un remplaçant et les quartiers de Volkhves sont restés intacts. Avec une grande chambre, un espace dédié aux manuscrits et un atelier pour la préparation des potions, les lieux devraient plaire à Filraen. Face au silence de Calith, Elihus ajoute :
- Je demanderai à ce que les lieux soient nettoyés et Filraen s'y installera. Soyez le bienvenu.
- Mille mercis ! J'apprécie énormément votre générosité et je saurai m'en montrer digne, je vous en fais la promesse. Je soigne aussi bien les esclaves que les nobles, sans aucune distinction, toujours guidé par le besoin impérieux d'aider les autres. C'est dans ma nature, que vous voulez-vous ! Et j'ai hâte de faire plus ample connaissance avec vous, Elihus, je devine en vous un homme fort intéressant et …
- Filraen ?
- Excusez-moi Sire. Je parle un peu trop, c'est ça ?
Calith opine, amusé, et échange un long regard avec Elihus, qui semble cerner le personnage. Puis il poursuit :
- Qu'on prépare une chambre d'invité pour Filraen pour cette nuit. Et je veux que ses quartiers soient prêts pour demain : n'enlevez aucun objet, Filraen se chargera de faire le tri, il faut juste faire un peu de ménage.
Après une courte pause, pour s'assurer que tout le monde a pris note de ses ordres, il continue, sans laisser le temps à Filraen de se répandre en remerciements :
- Et voici Severin, esclave banni d'Iduvief car il obéissait à mes ordres. Severin assistait le conseiller d'Artéus : il est lettré, instruit, et très efficace. Je pensais te le confier pour qu'il t'aide aux archives.
Elihus reste muet, examine attentivement l'esclave, intrigué. Sa réserve est bien compréhensible : confier ses précieuses paperasses à un inconnu, asservi de surcroît, n'est pas chose aisée. Calith sait bien que ce n'est pas un sentiment de supériorité qui fait hésiter Elihus, mais le fait que ce soit un inconnu : il voudra juger par lui-même. Il rajoute donc :
- Je te laisse une semaine pour voir s'il te convient ou non. Si ce n'est pas le cas, n'hésite pas, nous trouverons autre chose. Loundor ? Il reste des chambres individuelles vacantes, dans le baraquement ?
- Oui, une poignée.
- Bien, dans ce cas, s'ils sont d'accord, j'aimerais que tu en réserves une pour Nyv' et Severin.
- Ça sera fait.
Si son visage reste impassible, impossible de manquer le sourire dans la voix chaleureuse de Loundor. Nyv' et Severin se regardent puis reportent leur attention sur leur roi pour accepter cette proposition. Les yeux de l'esclave se remplissent de larmes, et la main de Nyv' serre la sienne dans un geste qui en dit long sur leur affection mutuelle. Elihus ne rate rien de ce manège mais ça ne changera pas sa manière de traiter Severin. Calith est également persuadé que le conseiller saura ménager l'esclave, en évitant de l'envoyer faire des courses à droite et à gauche.
- Bien, je vous laisse aller vous installer et vous reposer, nous nous verrons demain je pense. Loundor, tu peux accompagner Nyv' et Severin jusqu'aux baraquements ? Elihus, j'ai encore deux mots à te dire, s'il te plait.
Filraen est conduit, par un esclave, jusqu'à sa chambre temporaire, tandis qu'Elihus transmet à un domestique les ordres de Calith. Puis ils se trouvent tous les trois dans le bureau royal, à siroter le reste du vin chaud. Calith s'apprête à parler quand Iezahel demande :
- Tu as encore besoin de moi ?
C'est bien la première fois que Iezahel lui demande ça, et il en est si surpris qu'il ne répond pas tout de suite. Il est convaincu que cette demande cache l'envie d'aller ailleurs, sans aucun doute vers Fáelán, pour voir comment ça se passe avec Iris. Et l'espace d'un instant, il est très tenté de lui refuser ça. Il apprécie énormément le petit bout, qu'il trouve mignon et agréable, et il est bien conscient de son importance aux yeux de Iezahel. A vrai dire, c'est ça le cœur du problème. Fáelán est devenu le centre d'attention de son amant. Habitué à toujours le savoir en train de veiller sur lui, pour sa sécurité et son bien-être, il a énormément de mal à accepter qu'un gamin prenne sa place. Et il se l'avoue enfin. Qu'il serait tentant de répondre que oui, il a encore besoin de lui, qu'il aura toujours besoin de cette présence bienveillante autour de lui. Mais il ne peut pas répondre ça, il ne peut pas lui refuser ce bonheur, ce serait trop cruel. Et si Fáelán le rend heureux, n'est-ce pas à le plus important ? Et puis, c'est lui qui avait lancé l'idée qu'il se fasse des amis, qu'ils ne restent pas systématiquement ensemble. Il doit rester cohérent avec ses décisions. D'une voix assurée, il répond donc :
- Non, c'est tout bon, merci Iezahel.
- A tout à l'heure.
Elihus n'a rien raté de l'échange, et une fois Iezahel parti, il demande :
- Il y a un souci avec Iezahel ? Vous ne vous entendez plus bien ?
- C'est gentil de t'en préoccuper, mais tout va bien, ne t'inquiète pas.
Brave Elihus qui, malgré son entêtement à le marier, a bien compris pour qui bat le cœur de son roi. Alors dans un sourire, Calith reprend :
- On en parlera ce soir et ça ira mieux.
- Je te fais confiance.
- Merci. D'ailleurs, tu devrais aussi me faire confiance pour Severin. Tu es méfiant, c'est normal, mais c'est un bon bougre qui n'a pas été épargné par la vie. Tu as vu pour sa claudication, forcément, mais il est aussi sourd de l'oreille gauche. Sois indulgent s'il ne te répond pas dans la seconde.
- Tu t'es encore attaché à un oisillon blessé, c'est ça ?
Calith retient un petit rire, suite à cette demande bourrue et confirme sans honte :
- Oui, c'est ça. Il a trop subi de la part d'un responsable retors et malsain. C'est d'ailleurs pour ça que je voulais te voir. J'aimerais qu'on réfléchisse à une solution pour contrôler ce qu'il se passe dans le royaume. Je ne te parle pas de revenir aux milices du Tyran, mais je voudrais une équipe parfaitement impartiale, qui aurait le droit d'aller partout, et qui pourrait s'assurer que les lois sont bien respectées. Ce ne serait pas une équipe armée, elle aurait juste un rôle d'observateur, elle serait mes yeux. Et en cas de problème, elle en aviserait le tribunal. Et à ce sujet, j'aimerais un second tribunal, fonctionnant comme le premier, mais itinérant. Il se déplacerait dans le royaume au gré des plaintes, et n'importe qui pourrait y faire appel en marge des jugements des seigneurs.
- Ils ne vont pas apprécier, juger les infractions à la loi est l'une des prérogatives qu'ils aiment le plus.
- Et malgré le décret, ça conduit a beaucoup de dérives. Bon, disons qu'ils n'interviendraient pas dans les jugements des seigneurs, mais ils pourraient apporter leur connaissance de la loi à ceux qui en ont besoin, manants comme seigneur. Mieux comme ça ?
- C'est un vaste chantier que tu veux lancer, Calith, et il faudra y réfléchir de manière plus approfondie. Peut-être qu'on pourrait placer des hommes de Nala dans les différents fiefs, histoire d'avoir un œil sur ce qu'il s'y passe en tout discrétion.
- Mais ses hommes ne sont pas spécialisés dans les lois.
- Non, bien sûr, mais ils savent reconnaître une injustice ou trop de sévérité.
- Ça me gêne un peu, d'espionner les fiefs. Ils sont censés être dignes de confiance.
- Certes mais ce que vous avez trouvé à Iduvief prouve bien que ce n'est pas si simple. Ces hommes devront juste s'assurer que tout se passe correctement. Mais comme je te le disais, c'est un vaste chantier et on doit l'étudier assez sérieusement avant de faire quoique ce soit.
- On s'en occupera. J'aimerais aussi qu'on réfléchisse à la situation des esclaves. Le cas de Severin m'a ouvert les yeux : au château, nos asservis sont bien traités. Voinon est certes sévère, mais il est juste. Florain, le responsable des esclaves d'Iduvief, était une pourriture qui prenait tous les prétextes possible pour les faire souffrir. Et je...
- Tu es un grand rêveur, Calith. Tu ne peux pas faire une loi pour que les esclaves soient bien traités. Les gens achètent des asservis à prix d'or, les entretiennent et gèrent leur descendance. C'est leur propriété, ils en font ce qu'ils veulent. Ils n'ont aucun intérêt à les tuer ou à les estropier trop, car leur investissement serait perdu. Au pire, ils les fouetteront un peu, les enfermeront quelques jours dans un cachot. Ça ne les tuera pas.
Calith bondit hors de son fauteuil, furieux et prêt à hurler sur son conseiller. Mais Elihus poursuit :
- Je sais. Ce sont des êtres humains et toi, tu ne les vois pas comme étant des outils de travail. Enfin, surtout, tu ne vois pas Iezahel comme ça. Je me trompe ? Si Iezahel n'était pas ton... enfin... l'élu... enfin... Bref. Si tu n'avais pas Iezahel, tu ne réagirais pas comme ça. Avant, tu te moquais pas mal des esclaves, sois honnête.
- Peut-être bien, oui ! Et alors ? J'ai le droit aussi de changer d'avis, non ?
- Bien sûr que oui, mon grand ! Mais dis-toi bien que pour la majorité des gens, les esclaves ne sont que des instruments. Et ils ne comprendraient pas cette décision. C'est comme si tu annonçais un décret visant à prendre soin de sa fourche et de sa binette, en interdisant de les laisser sous la pluie ou en obligeant les propriétaires à bien les nettoyer après usage. Sans parler de leur faire un abri bien confortable protégé du vent pour passer l'hiver. Tu serais ridicule, et tu perdrais toute la crédibilité que tu as obtenu depuis ton couronnement.
Calith lâche une bordée de jurons qui font pâlir Elihus. Il enrage car il ne sait que trop bien qu'il a raison. Tout comme il ne peut pas obliger son peuple à accepter les créatures surnaturelles, il ne peut pas obliger les plus nantis à prendre soin de leurs esclaves.
- Arrête un peu, on dirait Loundor. Calme-toi, Calith. Pour mettre en place cette idée, il va falloir trouver les mots justes, et peut-être lancer une réforme du statut d'esclave. Alors laisse-moi un peu de temps pour que je puisse y réfléchir, d'accord ?
Il cesse de faire les cents pas, et observe son conseiller. Malgré son discours, Elihus a bon fond et respecte toujours les esclaves. Alors peut-être qu'il pourra trouver une solution... Elihus, d'une voix douce, demande :
- Tu as été voir Zélina ?
- Oui, le soir de notre retour.
- Bien. Tu sais que l'accouchement est prévu d'ici un mois environ ?
- Elle me l'a dit, oui. J'espère juste que ce sera un garçon.
- Même si elle te donne un héritier, tu devras continuer à la fréquenter, tu sais ?
- Je sais, je sais. Je ne compte pas l'abandonner dans ses appartements de toute façon. Ce n'est pas parce que je ne l'aime pas d'amour que je n'éprouve pas affection et respect pour elle.
- Je n'en doutais pas une seconde, mon garçon. Mais même si elle te fait un héritier, tu devras lui faire un autre enfant. C'est plus prudent, au cas où l'héritier ne survive pas, même si on fera tout pour que ça n'arrive pas.
Calith gronde doucement. Ce n'est pas tant de faire un autre enfant à Zélina qui le dérange, mais le fait d'en parler comme s'il s'agissait d'un objet comme un autre. Elihus, comme s'il avait senti que la colère de son roi était sur le point d'exploser à nouveau, lève les mains en signe de reddition et déclare d'une voix douce :
- Mais tu as le temps de voir venir. On en reparlera. Respire un grand coup, calme-toi, et va retrouver ton Iezahel.
Le conseiller arbore un petit sourire qui énerve encore plus Calith. Et l'idée de rejoindre un Iezahel qui l'a laissé tomber pour aller retrouver son fils ne l'aide absolument pas à se calmer. Mais tant qu'ils sont tous les deux, il reste un dernier sujet qu'il veut aborder avec son conseiller. Alors prenant sur lui pour étouffer sa colère, il déclare :
- Une dernière chose, s'il te plait. Je voudrais que tu fouilles dans tes archives pour voir s'il n'existe pas un roi qui aurait pris comme pupille un esclave.
Le petit sourire d'Elihus disparaît brusquement, ne laissant plus que stupéfaction sur son visage. Calith lui explique, les yeux rivés sur le bureau :
- Je... Enfin, je voudrais pouvoir protéger Iezahel et Fáelán s'il devait m'arriver quelque chose. Je... Enfin, je voudrais qu'ils aient quand même une vie douce après ma mort, au lieu d'être revendus ou utilisés pour de bases besognes.
- Je n'aime pas beaucoup parler de ça, Calith.
- Je sais. Mais être prévoyant ne me tuera pas.
- Je suppose que, de toute façon, ils dépendraient de l'armée, si... enfin...
- Peut-être oui. Mais j'aimerais que tu regardes si je ne peux pas écrire dans un testament ou une paperasse quelconque mes volontés les concernant.
- Je vais m'informer, oui. Mais tu ne vas pas mourir demain, tu sais.
Calith adresse un sourire rassurant à son conseiller livide, et opine :
- Oh non. Je sais que je suis en sécurité avec vous, et j'ai bien l'intention de vivre encore très longtemps. Mais c'est juste au cas où.
- Très bien. Mais sois prudent.
- Ne t'en fais pas. Bon, je vais rejoindre Iezahel.
- Bonne soirée.
- De même.
Elihus quitte rapidement le bureau, le laissant seul avec ses pensées et les relents de sa colère. Même s'il ne voulait pas que Iezahel entende cette conversation, il regrette son absence. Il aurait aimé croiser son regard rassurant, son demi-sourire qui lui dit toujours qu'il a bien agi.
Debout à côté des étagères ployant sous les manuscrits, il ferme les yeux, essaie de calmer les battements de son cœur. Il a autorisé Iezahel a s'éclipser et il ne peut pas maintenant le lui reprocher. Tout comme il n'a pas le droit de lui en vouloir pour Fáelán. C'est avec ce leitmotiv qu'il parvient enfin à se calmer. Et il se jure qu'il sera doux et attentionné avec Iezahel quand il le retrouvera.
Il prend une grande inspiration et quitte la bibliothèque pour se rendre dans ses appartements. Mais ses bonnes résolutions vacillent quand il pousse la porte. Seule la cheminée apporte un peu de luminosité au salon. Aucune chandelle ne répand sa douce lumière, aucun bruit de se fait entendre, et aucun esclave ne s'affaire, que ce soit pour le bain ou pour le dîner qui approche. Les lieux sont déserts et sinistres. D'un pas rageur, il se rend dans sa chambre pour se changer. Et ensuite, il ira pousser une ou deux gueulantes, histoire de leur rappeler qu'il attend quand même un minimum de la part de ses sujets. Il a fait trois pas dans la chambre quand une masse se projette sur son dos, lui plaque une main sur la bouche et passe son bras autour de son ventre, immobilisant ses bras en même temps, avec suffisamment de force pour l'empêcher de se libérer. Son cœur s'emballe mais il tente de garder l'esprit clair, d'essayer de deviner qui a pu s'introduire dans ses appartements sans être vu. L'intrus s'est-il débarrassé des esclaves pour avoir le champ libre ? Il réfléchit au sort le plus utile qu'il connaisse, qui lui permettrait de se libérer sans se faire mal quand il entend :
- Tu me fais confiance ?
- Iezahel ? Mais bon sang ! A quoi tu joues, là ? Tu sais que...
- Tu me fais confiance ?
- En théorie, oui. Là maintenant tout de suite, un peu moins...
- Ne bouge pas.
Calith se retrouve libre, et commence à se retourner vers son amant. Un tissu épais se retrouve soudain devant ses yeux. Il s'apprête à le retirer quand une petite tape sur la main l'en empêche. Puis il sent le poids d'une cape sur ses épaules et un capuchon tiré sur son crâne.
- Mais qu'est-ce que tu fabriques, Iezahel ?
- Chut.
Agacé par ces évènements qu'il ne comprend pas, Calith essaie à nouveau de repousser le capuchon et de retirer le bandeau. Mais Iezahel a tout prévu, et à l'aide d'une corde souple lui noue les poignets sur le devant.
- Ça suffit maintenant, Iezahel ! Arrête ton petit jeu et libère-moi !
Mais Iezahel ne l'écoute pas. Il lui prend la main, et le traîne à sa suite. Aveuglé, Calith avance très lentement, redoutant de se cogner ou de chuter. Cette chambre qu'il connaît pourtant très bien lui semble soudain pleine de dangers. Ils avancent jusqu'aux passages secrets. Iezahel, dans un murmure, le prévient qu'il y a des marches, et le guide lentement. L'air frais sur son visage masqué lui apprend qu'ils sont sortis du château. Il a renoncé à réclamer des explications, il a cessé de jurer comme charretier : il attend de découvrir la surprise de son compagnon avant d'exploser de colère. Il avance à petits pas hésitants pendant ce qui lui semble durer des heures. Et sa colère fond à mesure qu'il avance : il a une confiance absolue en Iezahel et il sait qu'il aimera cette surprise. Ils sont là, juste tous les deux, rien qu'eux deux. Le sol devient plus pentu soudain et il s'appuie de tout son poids sur la main de son compagnon alors qu'ils descendent un sentier. Il a beau fouiller dans sa mémoire, il n'a pas souvenir d'une telle pente.
Ils s'arrêtent enfin. Privé de la vue, Calith écoute de toutes ses forces. Mais seul le bruissement du vent se faire entendre, étouffé. Il devine que Iezahel s'affaire autour de lui et il enrage de ne pas savoir ce qu'il prépare. Pourtant, même si ses poignets sont noués, il pourrait retirer le bandeau mais il n'en fait rien. Soudain, les mains de son compagnon s'aventurent sur la ceinture de son pantalon et la dénoue.
- Non non non ! Je ne suis pas d'accord ! Qu'est-ce que tu fais ?
- A genoux. Mets-toi à genoux.
Pour une raison qu'il ne s'explique pas, Calith obéit. La colère et la crainte disparaissent peu à peu, remplacées par une autre sensation qui lui fait venir le rouge aux joues. Iezahel l'a soutenu pour prévenir toute chute et cette prévenance le rassure. D'une voix boudeuse, il demande :
- Tu vas m'exécuter ?
- Idiot...
Un baiser léger vient effleurer ses lèvres et il sent Iezahel se remettre en mouvement. La cape est retirée, le laissant frissonnant. Il le libère l'espace d'un instant, le temps de lui retirer son épaisse chemise et son linge de corps, puis la corde s'enroule à nouveau autour de ses poignets. Impossible de le nier désormais : la situation l'excite. Puis en douceur, Iezahel le fait basculer sur le côté, accompagnant sa chute. Il se laisse manipuler et se retrouve allongé sur le dos, les yeux bandés, les poings liés. Sous lui, un curieux tissu réchauffe sa peau refroidie par l'air nocturne. Il sent qu'on lui retire ses bottes, qu'on soulève son bassin pour enlever son pantalon, mais il se laisse faire, docile. Il porte pour tout vêtement le bandeau sur ses yeux. Il ne cherche même pas à masquer son membre tendu, palpitant d'impatience. Il n'a pas froid, pourtant, car l'étrange couverture le réchauffe et il devine la présence d'un feu non loin de lui. Le silence retombe, et il craint un instant que Iezahel ne soit parti, le laissant vulnérable. Il sursaute soudain : Iezahel vient de lui écarter les jambes et s'installe entre.
- J'ai rêvé d'une grotte oubliée de tous, où régnait une douce chaleur. Le sol était recouvert de peaux de bête, et tu étais allongé là, indécent, alangui, parfaitement nu, n'attendant que ma venue. Et je venais, conquérant, savourer ta peau et …
Le bandeau glisse contre son visage, dénoué, Il est dans la petite grotte cachée dans la Falaise, dont le sol a été recouvert de peaux de bêtes et l'ouverture masquée par une vieille couverture, les protégeant ainsi du froid. Un petit feu crépite non loin, apportant lumière et chaleur. Il cligne des yeux, s'habituant petit à petit au retour de la lumière. Son excitation n'a pas diminué, au contraire. Il se souvient du rêve que Iezahel lui avait raconté, au monastère de Pòrr. Iezahel, agenouillé devant lui, torse nu. Son ventre musclé, son torse recouvert d'une fine toison noire, son collier qui reflète la lueur des flammes. Et son regard brûlant de désir, malgré une pointe d'appréhension.
- Et dans ton rêve, tu m'avais ligoté comme un rôti et aveuglé ?
- Ligoté comme un rôti, tout de suite les grandes comparaisons. C'est juste les poignets !
- Mais tu m'as traîné là contre mon gré...
Iezahel hausse un sourcil, et passe innocemment le bout de son doigt sur le membre raidi de désir de son amant. Et dans un murmure, il rétorque :
- Ose dire que ça te déplaît.
Calith reste silencieux, son regard enfiévré est bien assez éloquent. D'un geste doux, Iezahel commence à défaire la corde autour de ses poignets mais Calith l'interrompt :
- Laisse-la s'il te plait.
- Tu crois que tu es en position de me dire ce que je dois faire ?
Les yeux de Iezahel reflètent un désir dévorant et de l'amusement. Alors le roi lâche dans un soupir un « non » résigné. Il aime être à la merci de Iezahel, et ces liens qui se défont petit à petit rendaient palpable sa docilité. Mais en même temps, le fait que Iezahel n'accède pas à sa requête montre que c'est lui qui mène la danse cette fois...
Ses poignets libres reposent sur les peaux de bête, et lui demeure immobile, complaisant, le désir palpitant dans sa chair. Il ne parvient pas tout à fait à se détendre, malgré les apparences, et demande d'une petite voix :
- Ils ne vont pas s'inquiéter, au château ?
- Non, Alima et Loundor sont prévenus.
Iezahel lui répond d'une voix absente, occupé à lui soulever le bassin et à glisser la corde au niveau de ses reins. Totalement malléable, Calith se laisse faire sans rechigner et remarque :
- Tu as eu besoin de temps pour préparer tout ça. Tu n'es pas allé voir Fáelán ?
- Non, je voulais te préparer cette surprise.
Il enroule habilement les deux extrémités de la corde autour des poignets de Calith et les noue solidement. La corde coincée sous lui, le roi de Pieveth se retrouve les bras le long du corps, incapable de les bouger, incapable de toucher son amant. Iezahel explique :
- Tu pourrais te libérer en soulevant le bassin et en passant la corde derrière tes cuisse. Et je pourrais arrimer cette même corde aux parties les plus sensibles de ton anatomie pour être sûr que tu ne le fasses pas. Qu'en dis-tu ?
- Je ne me libèrerai pas.
Un petit quelque chose, dans sa voix, fait que Iezahel se redresse et scrute son regard un instant. Puis le plus sérieusement du monde, comme s'ils étaient assis côte à côte, habillés, tout près de la cheminée, il déclare :
- Écoute-moi bien, Calith. Je suis passé rapidement voir comment ça se passait et il va bien. Il restera la nuit avec Iris, et j'irai le voir demain matin. Fáelán est certes mon fils, mais il ne deviendra pas le centre de mon monde. Mes seules ambitions le concernant, c'est d'être sûr qu'il ait un toit sur la tête, qu'il mange à sa faim, et qu'il ne soit pas maltraité. J'ai entièrement confiance en Iris pour tous ces points et je passerai du temps avec lui quand nous serons dans la forêt. J'ai beaucoup d'affection pour lui, mais il ne te remplacera pas. Tout comme Mahaut ne m'a pas remplacé.
Calith hoche doucement la tête, fasciné par la perspicacité de son amant, et rassuré, infiniment rassuré. Iezahel se penche sur lui, le couvre de son corps, l'embrasse au coin de la bouche et demande :
- Tu as d'autres choses de cet acabit qui te tracassent et t'empêchent de profiter de l'instant présent ?
- Non, rien d'autre.
- Bien.
Iezahel se redresse tout en caressant son torse, l'observe un instant tout en l'effleurant, faisant renaître le désir amoindri par la conversation. Et d'une voix songeuse, il hasarde :
- Tu pourrais être un prisonnier de guerre et je serai un ennemi, séduit par ton charme et ton indécence. Je viendrais profiter de la nuit tombée et des gardiens qui dorment à l'entrée de la grotte pour abuser honteusement de ton corps... Ou alors, je pourrais être ton sauveur, qui vient te libérer de tes ravisseurs, mais qui cède à l'appel du désir... Ou alors, je pourrais...
- On s'en fiche. Passons aux choses sérieuses.
Plus tard, beaucoup plus tard, alors que l'aube approche, ils sont allongés l'un contre l'autre, leurs membres entremêlés. Iezahel a joué avec son désir, le menant sans répit jusqu'au point de non-retour puis lui refusant la jouissance. La frustration, la sensation d'être à sa merci, l'amour qui guidait chacun des gestes de Iezahel l'a rendu quasiment fou de plaisir. Puis l'extase l'a emporté, le laissant ivre de sensations, groggy et à peine conscient de ce qui l'entourait.
Et maintenant, repus l'un de l'autre, ils se murmurent leurs sensations et tout leur amour. Ils savent désormais qu'ils pourront se réfugier ici de temps à autre. Et que rien ne les empêchera d'être heureux ensemble.
Commentaires
Je n'ai, malheureusement, aucune histoire sous le coude prête à être publiée. Plusieurs sont commencées, sans qu'elles ne me donnent satisfaction, donc je préfère attendre d'avoir un récit bien entamé et correct avant de poster quoique ce soit. Désolée, j'espère que ça sera pour bientôt.
Bonjour très chère,
Maintenant qu'Iduvief est terminé, peut on espérer une nouvelle histoire ?
J'ai hâte !!!
Sumomo