Jérémias est rassuré de voir que son roi, cet homme puissant, plein de sagesse, prend la situation en main. Oui, le roi va gérer l'évènement, en tirer les bonnes conclusions et prendre la meilleure décision. Alors le garde lui sourit, soulagé, heureux de ne plus être responsable de cette terrible nouvelle. C'est presque serein qu'il conduit Calith à travers le dédale de couloirs, jusqu'à sortir du château. Là, dans le regroupement de maisons qui vivent dans l'ombre de la forteresse, un homme attend, fourche à la main. Ses vêtements en laine grossière, maculés de terre et de tâches, indiquent sans risque de se tromper qu'il vit du travail de la terre. Son visage, mangé par les rides, est buriné par le soleil. Et c'est une voix rocailleuse qu'il commente l'arrivé de Jérémias et de Calith :
La stupéfaction cloue le bec du conseiller. Calith, lui, tente de garder un air impassible alors que son cœur bondit follement dans sa poitrine. Se marier avec cette inconnue ? Parfaitement consciente du séisme qu'elle vient de déclencher, la jeune femme poursuit :
Ce fils de catin utilisait l'esclave pour assouvir les plaisirs des prisonniers ! Il a de la chance d'être mort, celui-là ! Calith comprend soudain pourquoi les condamnés chahutaient de la sorte l'asservi, lorsqu'il nettoyait les couloirs des geôles. Il imagine sans peine les remarques graveleuses qu'ils lui balançaient à la figure. Et lui, qui ne pouvait rien répondre, qui se devait d'être là, tous les jours, sous peine de correction.
Attention, ce chapitre comporte un passage assez dur, en italique. Je l'écris en blanc, couleur de fond du blog : il suffit de sélectionner le texte pour pouvoir le lire. Si vous ne vous en sentez pas capable, n'ayez crainte, le paragraphe suivant résume ce passage.
Il ne se fait pas prier, Calith, pour quitter la salle des officiers et enfiler une tenue plus décontractée. Nombreux sont les soldats qui souhaitent l'accompagner dans cette joute. Calith leur réserve pourtant une petite surprise. Il a enchanté le bâton d'entraînement, lui permettant ainsi de le manier plus rapidement et plus puissamment. Et les soldats ne tardent guère à s'en apercevoir. Dès lors, ils ne retiennent plus leurs coups et ce sont de véritables combats acharnés qui s'engagent.
Calith se lève à son tour et va enfiler des vêtements convenables. Puis, prenant le manuscrit en bien piteux état, rejoint son bureau. Évidement, Elihus est déjà sur place, le nez plongé dans ses rapports. Sans lever le nez, il déclare :
L'homme s'incline rapidement avant de disparaître. Aidé par la connaissance de la magie qui martyrise l'esclave, Calith tente sans répit d'atténuer sa souffrance. Mais rien n'y fait.
Le simplet se fige et le dévisage. Il croise le regard du roi une fraction de seconde, avant de se ressaisir et de détourner les yeux. Juste assez longtemps pour que Calith ait l'impression de se noyer dans un lac au beau milieu de la nuit.
Personne ne le réveille en sursaut, le lendemain matin. Il ne sort de sa léthargie que lorsque les rayons du soleil viennent se poser sur ses paupières closes. La matinée est déjà bien avancée. Ses appartements sont déserts. Il passe à la salle d'eau pour un rapide débarbouillage matinal, puis s'habille seul, sobrement. Sans hésiter, il quitte sa chambre pour rejoindre les cuisines, en pleine effervescence. Et leur demande, simplement, une miche de pain, un peu de beurre, et des pommes. Emportant son précieux butin, il quitte le château par la grande porte nord. Face à lui, derrière quelques champs, la forêt des loups-garous, cernée par son imposante clôture. Une enceinte qui préserve le territoire des loups tout en garantissant la sécurité des habitants du château.
- Parfait.
Saluant d'un mouvement de la tête la foule, il s'éloigne vivement, pressé de fuir la cour et d'en savoir plus sur cette histoire d'esclave.
Calith se redresse brusquement, tous les sens en alerte. Le Général a déjà attrapé un simple pantalon et une chemise en lin, qu'il jette à son roi.
L'esclave tombe à genoux, tête baissé, tremblant de la tête au pieds. Il laisse choir la cloche, qui rebondit sur le paquet dans un grand bruit. Caltih jure à mi-voix. Le simplet ne lui répondra pas. D'un pas rapide, il s'approche de son assiette : rien ne semble avoir été ajouté. Mais le meurtre du baron de Beoan hante son esprit. Il serait si simple de mettre du poison dans son assiette pour se débarrasser de lui ! Un rapide regard autour du plateau ne montre aucune présence d'objet incongru : pas de pochette en tissu ni de fiole. S'il y a du poison, l'esclave l'a fatalement transporté dans un contenant. Le roi se rapproche du simplet et lui ordonne :
Il mange en silence, bercé par le clapotis de l'eau du bain dans lequel il trempe. Les deux asservis s'affairent autour de lui dans le silence le plus complet, sans se gêner un seul instant. Et il regrette, soudain, d'avoir demandé que son dîner soit servi par le simplet. Pourquoi ce caprice ? Il n'espère pas grand chose, à vrai dire. Et l'avoir avec lui pour le dîner n'empêchera pas Voinon de le frapper durant la journée, s'il le juge nécessaire. Et puis, soudain, le souvenir de la douce caresse buccale s'impose dans son esprit. Sous l'eau, caché par la couleur qu'a pris l'eau savonneuse, il sent son membre se raidir. C'est la seule et unique raison. Il a demandé la présence du simplet pour l'avoir à sa disposition et profiter de son savoir-faire à l'envi. Loundor a raison : cet esclave n'est pas un animal. Tout roi qu'il soit, réclamer sa présence comme ça...
L'heure du déjeuner est largement dépassée, mais il sait que personne, en cuisine, ne rechignera à le servir. L'esclave est parti, sans un bruit, laissant Calith a ses réflexions. Moins d'un quart d'heure plus tard, un coup discrètement donné à la porte le tire de ses pensées. L'esclave est de retour. A ses côté trottine Voinon, le responsable des esclaves. L'homme est petit, au moins une tête de moins que Calith, et replet. Ses habits simples sont tendus autour de son imposante bedaine. Son visage est très banal, inspirant la sympathie au premier abord. Mais Calith ne l'apprécie guère. Peut-être à cause de la badine qui pend contre sa hanche et dont il ne se sépare jamais. Pourtant, il n'a rien à lui reprocher. Voinon est le responsable des esclaves depuis de nombreuses années : il s'occupe de les placer dans différentes parties du château, pour seconder les serviteurs, de les vêtir et les loger dans des dortoirs propres et relativement spacieux. Il se charge également de gérer la nourriture pour eux, une ration pour les humains, deux pour les loups-garous. Et grâce aux Dieux, il a assez de capacités magiques pour retirer les anneaux aux esclaves. Il fait régner la discipline avec justesse, d'après ce qu'en sait Calith. Mais le roi ne l'apprécie guère, peut-être à cause du regard un peu fourbe du bonhomme. Pour l'heure, Voinon se tient, mal à l'aise, devant son souverain et ose :
J'ai créé une petite carte, pour qu'on puisse mieux situer les lieux où se déroule l'action.
Elihus, le visage pâle comme un linceul, s'est levé, imité par Calith. Le baron de Beoan est un homme d'une soixantaine d'années, qui vit au château depuis des décennies. S'il va parfois sur ses terres, au delà des remparts, pour s'assurer de leur bon fonctionnement, il préfère vivre auprès du pouvoir, dans le jeu de la cour, à l'affût de la moindre rumeur, toujours prêt à servir le roi et à s'attirer ses bonnes grâces. Calith l'a toujours vu au château, dès son plus jeune âge. Et lorsqu'il l'a revu, lors du couronnement, il a pu constater que le temps a marqué le baron de son empreinte : ses cheveux sont grisonnants, sa tunique souligne un embonpoint marqué et son visage est strié de rides. Un homme discret et jovial.
Dès le lendemain, Calith est installé devant les dossiers des prisonniers, qu'Elihus a demandé aux archivistes. Les dossiers les plus complets sont ceux des hommes emprisonnés sur le règne du père de Calith, mais la plupart concernent des morts. Lombeth n'a pas fait preuve d'autant de clémence que l'ancien roi. Quant aux prisonniers plus récents, il n'y a que le registre des gardes qui offre une liste, non exhaustive, des hommes présents. Calith et Elihus passent donc la journée avec Bunamel, le responsable des gardes et un archiviste, Jeus, armé du registre des condamnations, à faire le point sur la situation.
Le couronnement est une délicieuse et interminable agonie. Dans la salle du trône tout spécialement décorée pour l'évènement, les archivistes, les prêtes et les legisteris prennent soigneusement note de toute parole. Ce sont eux qui sont chargés d'immortaliser l'instant et de rendre le nouveau roi parfaitement légitime. Il y a les musiciens, les peintres et les troubadours qui se chargent, eux aussi, de graver dans le marbre ce moment exceptionnel.
Un cri d'agonie et son adversaire s'effondre au sol, le corps transpercé par l'épée. Ils ne sont plus qu'une dizaine, maintenant, à le séparer de Lombeth. L'Imposteur. Il ne le quitte pas des yeux tandis que son épée entame sa danse macabre. Du sang, des cris, l'agonie. Pour rétablir la justice. Pour rétablir la paix. Du sang pour laver l'affront qui a été fait à sa lignée.
Pour s'y retrouver plus facilement, voici un récapitulatif des fictions présentes sur le blog. Vous y trouverez un résumé de l'histoire, ainsi que les liens pour chaque chapitre. Deux fictions sont, pour le moment, terminées, et je publie au fur et à mesure les chapitres de la nouvelle fiction, que vous pouvez retrouver sur fictionpress
Je me lance enfin dans la création d'un blog pour mes fictions, un peu frustrée de ne pas pouvoir ajouter plus de couleurs et plus d'images dans fictionpress. Les textes présents sur ce blog existent déjà sur fictionpress, ne soyez donc pas surpris de les retrouver ici.